Entre Meuse, Rhin et Moselle

Les territoires occupés en 1792, puis en 1794, et partiellement annexés le 1er octobre 1795 (9 vendémiaire an IV) sous la dénomination "Belgique et Pays de Liège" à la République française appartiennent de nos jours, pour la plus grande partie, au royaume de Belgique, au Grand-Duché de Luxembourg et, dans une moindre proportion, au royaume des Pays-Bas ainsi qu'aux Länder allemands de Rhénanie du Nord-Westphalie et de Rhénanie-Palatinat. Jusqu'en 1960 environ, l'historiographie du régime français dans ces pays pèche en général par une orientation unilatérale flagrante, où abondent les opinions toutes faites, les jugements hâtifs et les clichés. L'histoire religieuse a toujours été un terrain de prédeliction pour des auteurs qui, d'après Gilbert Trausch, n'ont jamais réussi à pénétrer la mentalité révolutionnaire ni à comprendre la complexité des problèmes posés à la République. Et qui n'ont jamais envisagé qu'il pouvait y avoir une distorsion parfois énorme entre l'énoncé d'une loi à Paris et son application sur le terrain. Dans le présent volume de la collection "Hommes de Dieu et Révolution", ce terrain c'est l'Entre-Meuse-Rhin-et-Moselle, une région frontière, une terre de rencontres, située aux confins nord-est de la République. En raison même d'une géographie humaine peu homogène (morcellement politique, coexistence des cultures romane et germanique, plurilinguisme), cette région offre un espace original auquel participe un personnel ecclésiastique enserré dans des structures complexes. La "période française" renforça encore cette originalité, puisqu'à la différence de la France, c'est du Directoire au Consulat que l'on saisit sur le vif la crise et la persécution religieuse. Ces deux éléments combinés permettent d'introduire une histoire administrative au centre des conflits politico-religieux. Certes, le prêtre, chef de paroisse, a occupé le premier rôle, mais il subit les influences contradictoires de ceux qui sont chargés d'ap