Miroir du Moyen Âge
Filter :
Publication Date
Language
Saints ermites en Limousin au XIIe siècle
Les biographies de saints ermites sont souvent négligées car ces textes comportent des longueurs qui lassent voire des futilités qui irritent: autant de raisons qui en écartent le lecteur qui se dit sérieux. L’école positiviste qui voulut avec raison souvent réagir contre cette littérature trop facilement apologiste l'écarta parce qu'elle la croyait inutile et même dangereuse. Les érudits de cette école -souvent des clercs- qui malgré tout s'y intéressèrent n'en retinrent que les cadres institutionnels et une échelle chronologique résultats aussi indispensables qu'insuffisants puisqu'ils en négligeaient l'apport psychologique. Il est donc indispensable de relire ces œuvres hagiographiques afin de ne négliger aucun de leurs aspects.
Vécurent à la fin du XIe et au début du XIIe siècle en terre limousine quatre ermites dont la biographie de bon aloi fut écrite à la génération qui suivit leur mort. Ces documents permettent de connaître à la fois l'originalité de chacun d'eux et de préciser les traits communs de ce vaste mouvement.
Le premier arrivé fut Etienne de Muret dont les idéaux érémitiques sont de toute évidence à situer dans la mouvance de saint Nil de Rossano dont il connut les disciples lors d'un séjour qu'il fit en Calabre. C'est après une halte dans l'entourage de Milon archevêque de Bénévent et un court passage à la Curie romaine que ce fils du vicomte de Thiers en Auvergne s'installa vers 1076-1078 à Muret où il mourut en 1124. Il est le fondateur de l’Ordre de Grandmont.
Un peu plus tard le Normand Gaucher choisit la solitude des environs d'Aureil près de Limoges. Il s’était placé très tôt sous la houlette bienveillante des chanoines de la cathédrale et fit par la suite une sorte de stage dans la congrégation des chanoines de Saint-Ruf près d'Avignon. Il mourut en 1125.
Dans les mêmes années un limousin "creusois" nommé Geoffroy après des études à Tours puis sans doute à Chartres interrompit une carrière enseignante à Limoges pour se fixer au Chalard sur les bords de l'Isle. Geoffroy mourut en 1140.
L'installation à Obazine du "corrézien" Etienne date des environs de 1120. A la différence des trois premiers il n'avait pas reçu une instruction autre que celle exigée alors pour un prêtre de paroisse qu'il fut en ses débuts. Il fut ensuite apprenti-ermite prit conseil de l’évêque de Clermont un ancien abbé de La Chaise-Dieu et partit aussi consulter le prieur de La Chartreuse qui lui suggéra de s'affilier à l'Ordre de Cîteaux ce qu'il fit en 1147. Il mourut en 1159.
Heliand. L'évangile de la Mer du Nord
Ce poème germanique de près de 6000 vers a été composé entre 822 et 840 vraisemblablement vers 825 dans les premières années du règne de Louis le Pieux par un érudit chrétien sans doute compagnon du Frison Liudger. Ce dernier était le continuateur de l’œuvre en pays frison et saxon des évangélisateurs anglo-saxons du VIIIème siècle dont Willehad lequel avait succédé à Boniface tué en 754 à Dokkum alors qu’il poursuivait l’évangélisation entreprise par Willibrord.
La langue utilisée qualifiée de Vieux-Saxon par les spécialistes était donc tout à fait familière à son auteur. Celui-ci soucieux d’assurer le succès de l’Evangile dans les cœurs à la suite de la dure conquête par Charlemagne de la Frise Occidentale et du pays saxon usa d’une langue connue des peuples riverains de la Mer du Nord au début du IXème siècle. Surtout il apporta au texte de l’Evangile basé sur des manuscrits et travaux provenant de Fulda abbaye fondée par Boniface des adaptations d’ordre sociologique propres à susciter l’adhésion des peuples rudes et fiers de ces contrées nordiques.
En ce sens le Heliand n’est pas seulement une reprise de l’Evangile : il est aussi le document particulier par lequel les évangélisateurs des pays riverains de la Mer du Nord font entrer le lecteur dans la société des nouveaux convertis d’entre Weser Ems et Lauwers fraîchement vaincus et soumis par les Francs. La présente traduction en prose est accompagnée du texte germanique tel qu’édité à Halle en 1878 par Eduard Sievers et de commentaires et annotations. Elle est précédée d’une introduction historique et d’un lexique de termes empruntés au Heliand et comparés à quatre langues germaniques proches avec traduction en français.
Vie de sainte Marie l'Egyptienne
Hildebert de Lavardin évêque du Mans (1096-1125) puis archevêque de Tours (1125-1133) l’auteur de la Vita beate Marie Egyptiace dont nous donnons ici la première traduction française fut l’une des figures littéraires les plus importantes du Moyen Age: pendant plusieurs générations ses vers furent lus avec plaisir dans toute l’Europe occidentale; ses lettres servirent de modèles dans les écoles cathédrales et monastiques pour leur élégance et leur noble distinction et ses traités de philosophie morale et de droit canonique devinrent des manuels universellement appréciés.
La légende de Marie l’Égyptienne compte parmi les figures du Moyen Age les plus connues et les plus vénérées de celles qui illustrent l’influence salutaire de Notre-Dame sur les plus grands pécheurs; elle a contribué pour une part nullement négligeable au développement du culte marial qui prend son essor définitif en Occident partir de l’époque carolingienne. Marie l’Égyptienne n’est pas seulement l’héroïne d’une parabole « évangélique » mais le personnage-clé d’un drame de la plus brûlante actualité : non seulement elle incarne en sa personne l’aspiration du monde féminin à rejoindre le mouvement des nouveaux ermites de l’époque d’Hildebert mais elle intervient en sa qualité d’ermite pour donner des conseils au monde monastique. Le texte prend place dans la grande discussion de l'époque d'Hildebert sur la hiérarchie des vocations monastiques et leurs mérites respectifs et sur les origines érémitiques du monachisme chrétien.
La Joute, et autres oeuvres poétiques de Luigi Pulci, augmentées de pièces composées dans le cercle de Laurent de Magnifique
Né à Florence dans une famille noble mais désargentée Luigi Pulci (1432-1484) eut la chance d’être introduit très jeune dans le cercle des Médicis. Devenu un des familiers de Laurent le Magnifique il vécut la vie d’un courtisan remplissant les missions variées qu’on lui confiait. Mais il était avant tout poète et exerça à ce titre un « véritable magistère » car la poésie a joué à Florence dans une communauté violente et conflictuelle un rôle si fondamental pour le maintien du lien social qu’il nous est maintenant difficile de l’imaginer. A côté du Morgante chef-d’oeuvre incontesté du poème heroï-comique à l’italienne Pulci a été aussi l’auteur d’une production poétique vaste et diversifiée. Pratiquant tous les genres et tous les tons de l’élégie à la satire du burlesque à l’aulique d’une incroyable virtuosité verbale il nous fait partager la vie compliquée de la cour médicéenne et les moeurs de la Florence convulsive de cette deuxième moitié du quattrocento. Son attachement à un aristotélisme teinté d’avvéroisme son refus du mysticisme esthétisant de Marsile Ficin offrent un témoignage précieux et souvent troublant de la pensée intellectuelle et religieuse de son temps. Il nous émeut enfin par l’expression à la fois pathétique et narquoise de son angoisse devant le mal la solitude la mort.
Le livre des papes
Liber pontificalis
Le “Livre des papes” -Liber pontifica1is- traduit ici pour la première fois en français est la biographie des cinquante-neuf papes qui se sont succédés sur le siège romain de l’an 492 à 891.
Ce document rédigé au plus haut lieu de la chrétienté par des auteurs qui servaient cette prestigieuse institution est sans conteste une source majeure et unique pour l’histoire de l’Occident.
Jusqu’au milieu du VIIIe siècle le siège apostolique est soumis au contrôle de l’empereur grec de Byzance ce qui le mènera à intervenir dans les conflits théologico-politiques de l’Orient. Les invasions lombardes auront pour effet de remplacer cette tutelle séculaire par une autre celle des Carolingiens avec pour conséquence la formation de ce que l’on appellera les Etats de l’Eglise. Le couronnement de Charlemagne en 800 en sera le logique aboutissement.
Le lecteur découvrira les deux préoccupations majeures de ces biographes proches du pontife. D’abord le souci constant d’embellir les églises romaines et d’accroître leurs trésors souvent mis à contribution pour le rachat des prisonniers ou l’achat d’une paix.
L’autre grande affaire de ces temps lointains -mais n’en fut-il pas toujours ainsi- est l’élection du successeur du pape défunt ce qui nous vaut l’histoire mouvementée et parfois pittoresque de ces joutes électorales.
Ajoutons que le Liber pontificalis apporte une contribution utile à la connaissance de la vie quotidienne de cette époque à la fois éloignée et bien proche de nous.
Au-delà de la Perse et de l'Arménie. L'Orient latin et la découverte de l'Asie intérieure
Quelques textes inégalement connus aux origines de l'alliance entre Francs et Mongols (1145-1262)
L'apparition des Mongols surgissant dans les premières décennies du XIIIe siècle des profondeurs de l'Asie a changé le destin de l'Europe orientale. Elle a en même temps ouvert aux Européens de l'Ouest les routes de l'Asie. Depuis la fin de l'époque romaine des peuples venus des steppes s'étaient succédés pénétrant à plusieurs reprises plus ou moins profondément dans l'espace européen où plusieurs d'entre eux s'étaient implantés. Les Occidentaux ne s'étaient guère préoccupés de s'informer das causes de ces migrations et de leur llieu d'origine. La première campagne mongole en 1222 n'avait pas inquiété l'Occident. Il en fut autrement de la seconde pendant laquelle les "Tartares" arrivèrent en Hongrie en 1237 et poursuivirent leur avance en direction de l'Ouest; mais cette menace s'estompa vers 1260. Il fallut pour que les choses changent que le danger se rapproche des terres franques du royaume latin d'Orient. C'est lorsque les Mongols menacent Antioche en 1243 que l'on commence à s'émouvoir. Et c'est alors qu'apparaissent les ambassades qui seront en même temps des voyages de découverte. Ce sont ces relations de voyage les unes développées les autres très brèves qui sont présentées dans ce recueil. On y lira les témoignages suivants: l'émergence de l'image du Prêtre Jean chez Otton de Freising la Relation de David (en deux versions) les renseignements donnés à Mathieu Paris par André de Longjumeau l'Histoire des Tartares de Simon de Saint-Quentin des lettres du gouverneur de Perse Eljigideï ou celle de Hülegü à Saint Louis ou celle du connétable d'Arménie à des cousins francs. Tous ces documents antérieurs aux voyages de Marco Polo nous offrent un aperçu inédit en traduction française de la façon dont les occidentaux ont essayé de s'informer sur la civilisation et le monde mongols dans la deuxième moitié du XIIIe siècle.
Jean Richard membre de l'Institut professeur émérite de l'université de Dijon est un spécialiste reconnu internationalement pour ses recherches sur les récits de voyages au moyen âge.
Texte français.
Le "Livre des Etats" de don Juan Manuel de Castille
Un essai de philosophie politique vers 1330
Vers 1300 le prince castillan Don Juan Manuel adresse ce Livre des Etats à un prélat et à travers lui à toute la Castille. Sur le mode d'un enseignement donne à un jeune prince ce livre est une longue réflexion sur la souveraineté sur les offices et sur les devoirs des sujets; c'est aussi un témoignage de la vie spirituelle de ce temps marquée par la prédication dominicaine. L'ouvrage révèle la culture la vie religieuse comme toute I' ambition politique d'un grand noble du début du XIVe siècle. Le volume présente la première traduction en français de ce texte important.
De l'Inde. Les voyages en Asie de Niccolo de' Conti
De varietate fortunae, livre IV
Le Livre IV du "De varietate fortunae" de Poggio Bracciolini rapporte le compte rendu que Niccolo de' Conti fit de ses voyages en Inde et dans le Sud-Est asiatique entre 1414 et 1439. A ce titre il a joui d'une vaste diffusion indépendamment du reste de l'ouvrage comme l'attestent un certain nombre de manuscrits contenant le seul livre IV ainsi que la première édition du texte latin du "De varietate fortunae" ("India recognita" 1492) limitée elle aussi à ce dernier livre. Le succès du livre est lié aux informations nouvelles qu'il contient sur des régions jusque là mal connues (intérieur de l'Inde Birmanie Java Bornéo ...) qui seront exploitées par la cartographie et par les recueils de voyage en particulier celui de Ramusio "Delle navigazioni et viaggi". Mais le compte rendu de Conti assume aussi un intérêt majeur car il se situe à une période charnière transition entre l'époque où l'Asie est "découverte" par les missionnaires et les marchands lors de la domination mongole (XIIIe et XIVe siècles: Guillaume de Rubrouck Marco Polo etc. ...) et celle où les expéditions maritimes des portugais vont leur assurer la maîtrise du commerce dans ces contrées. Le texte de Conti nous intéressera donc aussi bien dans son contenu que dans sa forme; l'introduction ainsi que les notes s'efforceront d'établir des comparaisons nombreuses avec d'autres récits de voyage concernant les mêmes contrées tant par ceux qui ont précédé Conti (Marco Polo Ibn Battuta ...) que par ceux qui l'ont directement suivi (Duarte Brabosa Tomé Pires ...).
Oeuvres érotiques
Cinthia - Historia de duobus amantibus avec L'ystoire de Eurialus et Lucresse d'Octovien de Saint-Gelais - De remedio amoris
Il valait la peine au moment où l'on redécouvre la richesse littéraire d'Eneas Silvius Piccolomini (Pie II) de publier un choix significatif de sa production érotique. Présentés chronologiquement les textes contenus dans ce volume mettent en lumière l'évolution de sa conception de l'amour au cours de sa vie laïque. À la suite de la Cinthia dont les plus anciens poèmes datent des années d'étude d'Eneas à Sienne figurent quatre lettres: la première fournit un modèle de lettre d'amour (1443); la deuxième renferme l'Historia de duobus amantibus (1444); la troisième précédait une copie de la nouvelle destinée au chancelier impérial Gaspard Schlick (1444); la dernière enfin datée de 1446 diffusée sous le titre de De remedio amoris témoigne de la conversion spirituelle et morale d'Eneas quelques mois avant son ordination comme sous-diacre. Le texte latin de l'Historia qui repose sur une nouvelle transcription du manuscrit Prague Státni Knihovna XXIII F 112 est présenté en regard de la traduction qu'en donna Octovien de Saint-Gelais vers 1488. Œuvre de jeunesse d'un des plus grands poètes français de la fin du XVe siècle cette savante traduction est le miroir vernaculaire et courtois du texte de l'humaniste italien.
Hagiographie Médiévale. Vies de saints d'Angleterre et d'ailleurs
Le Moyen Age on le sait est "créateur de saints" et dans une société pour laquelle le visible n’était que le reflet de l’invisible le saint est le reflet de Dieu sur terre. Le culte des saints constitue l’un des aspects essentiels de la spiritualité.
Les Vies de saints rassemblées dans cet ouvrage relatent les faits et gestes de saints ayant joué un rôle dans la christianisation de l’Irlande (saint Patrick) et de l’Angleterre (Grégoire le Grand Augustin de Canterbury) ou y ayant vécu entre le Ve et le XIIe siècle. Elles ont été écrites en vieil anglais ou en moyen anglais par des religieux des Xe XIe ou XIIIe siècles.
A l’exception des vies de saints Guthlac et de saint Chad les Vitae rédigées en vieil anglais sont l’œuvre d’Aelfric sermonnaire et hagiographe disciple d’Aethelwold - ce dernier étant l’une des grandes figures dominant la réforme monastique anglaise du Xe siècle. L’objectif d’Aelfric était de développer la foi de ses contemporains et de rendre accessibles les textes sacrés ou édifiants au plus grand nombre en les leur présentant en langue vernaculaire. A cette fin il rédige les Sermones Catholici et les Lives of Saint d’où sont extraites les Vitae présentées ici (Etheldrede Swithun Oswald Edmond Grégoire Cuthberht).
Contemporain de la "Légende dorée" le "South English Legendary" est certainement l’un des plus riches légendiers en anglais. Parmi les nombreux saints dont il nous relate la vie ont été retenus certains saints anglais (Augustin de Canterbury Dunstan Thomas Becket Edouard l'Ancien) et celtes (Patrick Brendan) d’une part parce qu’ils couvrent toute la période du Haut Moyen Age jusqu’au XIIe siècle d’autre part parce que ces Vitae témoignent d’une grande diversité tant par leur longueur que par leur contenu qui souvent va au-delà du simple récit hagiographique stéréotypé lorsque par exemple l’histoire prend le pas sur la "légende".
S’éloignant du moule traditionnel des Vitae ainsi que du contexte purement anglais le récit des Sept Dormants vient clore cet ouvrage sur une touche de merveilleux chrétien.
Outre leur intérêt hagiographique et leur valeur d’exempla ces Vies de Saints constituent des sources d’information non négligeables sur l’Angleterre du Moyen Age sur les évènements qui ont marqué cette période et la perception du monde et de l’au-delà qui prévalait à l’époque.
Picatrix
Un traité de magie médiéval
Témoignage des contacts de culture dans l'Espagne d' Alphonse le Savant le Picatrix se présente comme une traduction d'un originai arabe (le Ghâyat AlHakîm) auquelle ou les t raducteurs ont beaucoup retranché ou ajouté.
L'ouvrage expose les connaissances de toute nature indispensables à qui veut agir sur le m onde et l es hommes : fabrication des talismans exploitation de tous les règnes - minéral animai et végétal - prières aux planètes données astrologiques physiques et philosophiques. La pratique magique s'inscrit ainsi dans un cadre philosophico-religieux très particulier où l'hermétisme et le néoplatonisme sont associés à l'orthodoxie religieuse. Le Picatrix illustre parfaitement l'idée selon laquelle la magie n'est pas seulement un reflet de la science mais se présente aussi comme un système complet une méthode de pensée de croyance et de savoir. Il a exercé une profonde et durable influence au Moyen Age et à la Renaissance.
L'Iliade. Epopée du XIIe siècle sur la Guerre de Troie
L'Iliade une épopée latine écrite entre 1183 et 1190 par un clerc anglais du nom de Joseph d'Exeter neveu de l'archevêque Baudouin de Cantorbéry auquel il dédie son œuvre mérite de retenir l'attention à plus d'un titre. Elle offre d'abord un témoignage très éclairant sur la réception qui est faite de l'Antiquité par un clerc latinisant très cultivé en cette deuxième moitié du XIIe siècle qui a vu apparaître les premières "mises en roman" c'est-à-dire les premières adaptations en français d'œuvres latines. Il n'est pas impossible que l'Iliade ait été conçue comme une réponse au Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure rédigé vers 1165 qui s'efforçait de mettre l'histoire et la culture antiques à la portée d'un public chevaleresque. Les deux œuvres partent en effet du même texte l'Histoire de la destruction de Troie de Darès le Phrygien (De excidio Troiae historia) un texte apocryphe du VIe siècle qui jouissait d'une grande autorité parce qu'il était censé avoir été écrit par un ancien combattant de la guerre de Troie. Et l'épopée de Joseph s'oppose au roman de Benoît sur bien des points : au didactisme simplificateur de Benoît Joseph oppose une remarquable connaissance de l'histoire et de la mythologie antiques qui s'exprime sous une forme codée par le biais de périphrases et d'allusions; à l'optimisme de Benoît qui cherche des modèles dans les héros antiques il oppose le pessimisme d'un monde désenchanté dominé par la mort les vices des humains et les jeux de la Fortune. Il parvient ainsi - et c'est là le deuxième intérêt de l'Iliade - à produire une œuvre d'un esthétisme raffiné stylistiquement dominée par l'influence des poètes Stace et Claudien une œuvre dont certains passages (par exemple le récit de la chute de Troie) sont d'une grande intensité et témoignent d'une très belle réussite poétique.
Edition bilingue latin-français.
Adémar de Chabannes, Chronique
Adémar de Chabannes un des historiens les plus connus du XIe siècle a laissé à Saint-Martial de Limoges avant de partir pour Jérusalem où il est mort en 1034 un remarquable dossier de textes divers. Ils permettent de reconstituer sa formation sa carrière monastique à Saint-Cybard d'Angoulême et ses ncroyables efforts pour promouvoir saint Martial au rang des apôtres qui l'ont conduit à produire une extraordinaire collection de faux. La Chronique composée entre 1025 et 1028 n'est-elle qu'une œuvre de faussaire? Ses deux premiers livres y rassemblent des ouvrages historiques antérieurs des origines troyennes des Francs à Charlemagne "compilation" sans doute mais dont le grand mérite est de nous faire pénétrer dans le scriptorium d'un historien de l'an Mil et de nous permettre d'appréhender l'état des connaissances historiques à cette époque. La partie "originale" de la Chronique (Livre III 16-70) s'appuie sur des annales locales sur la mémoire cléricale et monastique et surtout sur l'inlassable curiosité d'un moine à l'écoute des bruits qui lui viennent non seulement de son pays - le Limousin l'Angoumois le duché d'Aquitaine - au temps de Guillaume le Grand des conciles de paix et des guerres châtelaines mais encore de toute la Chrétienté et des terres d'Islam. Aux yeux d'un historien critique Adémar commet bien trop d'erreurs et d'inventions. Il n'en reste pas moins qu'il a su parfaitement nous transmettre les violences les craintes et les espoirs de son temps.
Morgante
Poète et courtisan Luigi Pulci écrivit le Morgante á Florence dans la deuxième moitie du xv e siècle. Inspirée des chansons de geste cette épopée héroïcomique de plus de 30 000 vers raconte les aventures de Roland de son ami le géant Morgante et des paladins de Charlemagne. La légende arthurienne et les contes arabes font entrer dans la geste carolingienne les monstres et les décors exotiques d'un Orient de fantaisie ainsi que les rencontres belliqueuses ou amoureuses avec les païens. C'est aussi une comédie humaine du temps des Médicis : dans les palais et les ruelles de Florence on assiste aux réjouissances populaires et aux fêtes nocturnes aux rixes des portefaix et aux joutes des princes aux intrigues de cour et aux rivalités entre cites. Ecrit dans une langue qui parcourt tous les registres du ton le plus soutenu á l' oralité le Morgante multiplie les changements de ton de l'aristocratique au carnavalesque détourne nombre de genres littéraires et refuse toute clôture. Faisant entendre a la fois les échos de la Renaissance et la voix des cantanbanchi au coin des places italiennes c'est une œuvre profondément moderne par sa diversité.
Le Victorial
Chronique de Don Pero Nino, comte de Buelna (1378-1453) par Gutierre Diaz de Gamez son porte-bannière
Le Victorial - le titre s'explique par le fait que le héros ne fut jamais vaincu - peut être lu de plusieurs manières. Il présente une suite de tableaux de la vie chevaleresque au temps de la guerre de Cent ans: intrigues politiques à la suite de l'arrivée sur le trône de Castille de la dynastie Trastamare rapports avec les membres de la haute aristocratie castillane et française à l'époque où la Castille et la France sont alliées contre l'Angleterre prouesses et faits d'armes sur terre et sur mer joutes et tournois fêtes amours heureuses ou contrariées. Toutes les aventures du héros contribuent à former une image du parfait chevalier fidèle à son seigneur dont la vie en tous points conforme à l'idéal reflète les valeurs de la société aristocratique de son temps.
Par la variété des milieux et des événements décrits en Castille aussi bien qu'en France le Victorial est aussi un document de première main pour tout ce qui relève de la vie quotidienne. Les divers aspects de l'art nautique et de l'art militaire en particulier sont décrits avec une grande précision.
Le talent de son auteur témoin oculaire qui fut le propre porte-bannière de Pero Niño et l'accompagna dans ses campagnes a su incarner ces valeurs grâce à une culture étendue et à un art certain. Les réminiscences de l'histoire ancienne qu'il s'agisse de la guerre de Troie de l'histoire d'Alexandre et de César les origines légendaires des peuples les digressions sur toutes sortes de sujets de philosophie politique d'éthique ou de physique la variété et la vivacité des récits contribuent au plaisir du lecteur.
Chronique des temps mérovingiens (Livre IV et Continuations)
Texte latin selon l'édition de J.M. Wallace-Hadrill. Traduction, introduction et notes par O. Devillers et J. Meyers
La chronique de l'auteur connu sous le nom de Frédégaire est une source essentielle pour la connaissance des règnes mérovingiens. Le chroniqueur a pourtant été longtemps méprisé : sa langue était considérée comme barbare et ses qualités d'historien étaient jugées de piètre valeur. Les recherches récentes ayant renouvelé l'étude de cette période on a voulu tirer de l'oubli un auteur trop longtemps mal compris. Le lecteur trouvera donc ici accompagnée du texte latin (selon l'édition de J.M. Wallace-Hadrill) et d'une abondante annotation la traduction de la partie originale de la chronique et de ses continuations carolingiennes qui poursuivent le récit jusqu'en 768. Une introduction substantielle défend l'hypothèse d'un chroniqueur unique écrivant vers 660 situe la chronique dans son contexte historique et l'appréhende à la fois comme une œuvre d'histoire et de littérature. Une étude spéciale est consacrée à la langue de l'auteur témoin des mutations que connaît le latin au milieu du VIIe siècle. Olivier Devillers est un spécialiste d'historiographie romaine et Jean Meyers de langue et de littérature latines du Haut Moyen Âge. L'un et l'autre enseignent à l'Université Paul Valéry (Montpellier III).
Livre de la colonisation de l'Islande
Le Landnamabok (livre de la colonisation d'Islande) est un ouvrage unique rédigé aux 12e-13e siècles qui consigne les traditions poétiques mythologiques et héroïques de la 'Germania' que sans lui nous ne connaîtrions pas. Le livre illustre de manière éclatante la culture (poésie scaldique et la langue norroise) et l'histoire (phases de colonisation voyages rapports culturels et économiques) de cette population composite formée de Norvégiens de Suédois et de Danois métissée de sang celtique qui aux 9e et 10e siècles parcourut le monde connu (dont elle a sans doute reculé les limites) et qui fut en contact avec les Francs Slaves Celtes Latins et Grecs. L'ouvrage comporte trois parties. La première situe l'oeuvre et justifie la présente édition. La seconde donne le texte intégral dans la meilleure version existante dite Sturlubok ou livre de Sturla Thordarson. La troisième tentera de dégager les enseignements de cet ouvrage indispensable à quiconque cherche à connaître la culture et la civilisation du Nord ancien. La véritable nouveauté de ce livre est que l'on trouve l'intégralité de la version la plus complète du Landnamabok avec parfois des ajouts provenant d'autres versions lorsqu'ils complètent ou corrigent la leçon princeps.
L'auteur Régis Boyer est professeur émérite de l'université de Paris IV-Sorbonne. Il est spécialiste de l'histoire et de la littérature scandinave anciennes. Il est l'auteur de L'Epopée (Brepols 1988) de La Poésie scaldique (Brepols 1992) de L'edda poétique (Fayard 1992).
Dolopathos, ou le roi et les sept sages
L'histoire du roi et des sept sages occupe dans le panorama de la littérature médiévale une place similaire à celle que l'on peut attribuer aujourd'hui au célèbre recueil des Mille et une nuits. Elle tire son origine d'un recueil de contes largement répandu dans les littératures arabe grecque syriaque et perse le Livre de Sindibad. Selon la mode orientale elle propose sous le titre générique de Roman des Sept Sages de Rome une intrigue romanesque dont le principal intérêt réside dans la présence de récits enchâssés (procédé utilisé plus tard par Boccace dans son Décaméron et par Chaucer dans ses Canterbury Tales). Le récit transmis par Jean moine de l'abbaye cistercienne de Haute-Seille vers 1200 se déroule sous l'empire à Rome à Constantinople ou en Sicile dans un décor dominé par les merveilles du monde antique. C'est dans ce cadre que se déroulent les aventures du roi Dolopathos de la reine et du prince héritier mêlés dans une intrigue où le courage et la vertu finissent après bien des péripéties à triompher de la ruse et la séduction. Les auteurs sont Maîtres de conférence à l'Université de Genève spécialistes de la littérature d'exempla et des contes populaires médiévaux.
Le rire du prédicateur
Récits facétieux du moyen âge
L’évêque Guiard de Laon échappant par ruse à ses ennemis en se déguisant en marmiton un abbé voulant faire prendre à l’un de ses novices des femmes pour des oies l’ombre de Philippe Auguste faisant peur aux Anglais les sept péchés capitaux commis dans les tournois Guillaume d’Auvergne consolant saint Louis de la naissance d’une fille taverniers trompant leurs clients un mari allaité par sa femme un singe dénonçant la coquetterie d’une bourgeoise un savant fou d’amour autant de récits - parmi d’autres - qui suscitaient étonnement rire sourire de l’homme médiéval.
Au XIIIe siècle l’Église pour mieux être comprise du peuple doit parler son langage en proposant des anecdotes empruntées à la vie quotidienne des puissants comme les humbles. Et pour tenir en haleine un auditoire souvent dissipé et instable voire contestataire le prédicateur cherche à provoquer le rire ou le sourire.
Le rire médiéval n’est point cantonné aux fabliaux aux farces ou au Roman de Renart. Voici plus de 150 récits du XIIIe siècle qui montrent comment les prédicateurs maniaient comique et humour.
Geste de Dieu par les Francs
Histoire de la première croisade
La première croisade jeta sur les routes de l'Orient à la suite du concile de Clermont des milliers d'hommes de femmes et d'enfants de toutes conditions. Elle aboutit à la prise de Jérusalem le 15 juillet 1099 et à la création d'Etats latins en Terre sainte. Cette prodigieuse aventure suscita de nombreuses chroniques. Celle de l'abbé Guibert de Nogent écrite vers 1108-1109 tranche par la personnalité de son auteur. Ce n'est pas un témoignage mais le point de vue d'un partisan passionné de la croisade qui chercha à faire oeuvre d'historien en prenant ses distances pour mieux comprendre les événements tout en comparant ses sources afin d'en dégager la vérité et en recueillant les souvenirs de participants. A ses yeux l'inspirateur et le chef de l'expédition fut Dieu lui-même dirigeant jusqu'au bout les serviteurs qu'il s'était choisis. D'où le titre difficilement traduisible: Les hauts faits de Dieu par l'intermédiaire des Francs. Sa prose mêlée de vers imprégnée de réminiscences bibliques prend souvent le ton de l'épopée. Il trace des portraits parfois élogieux souvent cruels des principaux acteurs. Doué d'un grand talent de conteur il s'identifie aux croisés dans leurs moments de joie et d'angoisse dans les famines comme dans les triomphes. Proclamant la gloire de ses compatriotes avec la partialité d'un historien de son temps il apparaît dans ce texte comme l'un des meilleurs narrateurs du Moyen Age latin.