Rencontres médiévales européennes
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Une conquête des savoirs
Les traductions dans l’Europe latine (fin XIe siècle - milieu XIIIe siècle)
Les nouveautés culturelles qui se répandent en Europe latine aux xii e et xiii e siècles sont les expressions les plus hautes d’une longue période de croissance. Bien que déjà largement documentée cette expansion pluriséculaire mérite d’être reprise et précisée.
Un cercle vertueux s’est enclenché aux alentours de l’an mil dans l’Europe latine sans qu’il y ait simultanéité de dates et de rythmes sur tout le territoire. Pour être multiples les composantes de cet essor se réduisent à un même thème: ce sont autant de triomphes de l’homme européen sur son environnement et sur lui-même: amélioration de l’outillage et des techniques agricoles poussée démographique défrichements nouveaux sites de peuplement renouveau urbain renforcement de l’artisanat essor de l’économie monétaire développement et diffusion de l’écrit promotion des langues vernaculaires.
Véhicule déterminant du nouveau savoir les traductions surviennent dans un monde latin à l’essor multiforme. Elles l’accompagnent et le transfigurent. Elles en décuplent les possibilités. Elles expriment un engouement dévorant pour l’étude dont en retour elles accroissent l’intensité et rehaussent le niveau. Les clercs sont aspirés par cette spirale dont le terme marque la fin du Moyen Âge. Les acquis des siècles précédents servent aux hommes du xv e à renouer directement avec l’hellénisme et avec le classicisme latin tout en franchissant les océans d’une terre maintenant centrée sur le soleil.
La polysémie du mot «monde» rend compte de la totalité des nouveautés qui apparues au cours du xii e siècle de Europe latine transforment en quelques cent ans le continent: le xii e siècle latin s’est transfiguré en véritable Nouveau Monde.
Les laïcs dans les villes de la France du Nord au XIIe siècle
Les villes de France du Nord au xii e siècle connaissent de spectaculaires transformations reflétant un dynamisme démographique et économique sans précédent. Leur paysage est bouleversé par les chantiers de constructions tandis que se développent à leurs portes des faubourgs étendus. Ouvertes sur les campagnes qui les approvisionnent en produits et en main d’œuvre elles voient s’affirmer une société laïque variée et ambitieuse. Ayant obtenu des seigneurs communes et franchises l’élite des citadins manifeste de réelles compétences juridiques et économiques supposant une éducation élaborée.
Le présent volume tente d’évoquer leurs cadres de vie quelques aspects de leur mentalité et pose la question de leur formation.
La place de la musique dans la culture médiévale
Au Moyen Âge la musique est l’un des sept arts libéraux et à ce titre elle joue un rôle prépondérant dans la vie intellectuelle et sociale. Avec un héritage théorique et mythologique gréco-romain qu’elle saura reprendre à son compte la période médiévale est pour cet art tout sauf une période obscure. La musique est le chant de l’âme et du corps le chant de la terre et du ciel quotidiennement pratiqué et éprouvé. Elle est l’un des grands principes de l’organisation du monde et l’un des plus puissants moyens d’accès à la compréhension de sa création et à la contemplation de sa beauté. La musique s’incarne aussi dans la réalité sociale et politique dont elle scande l’ordre comme le désordre.
L’ouvrage conjugue la diversité et la richesse des approches de cette journée d’études en mêlant des regards croisés sur le sujet: la musique et la philosophie la liturgie ou la mythologie; la musique et la rhétorique les enseignements médiévaux les arts de la mémoire; la musique et son expression sociale…
Le volume défend autant qu’il explique la place singulière exercée par l’art de la musique durant ces siècles médiévaux riche creuset dans lequel s’est écrite une page fondamentale et originale de l’histoire culturelle occidentale.
L’image dans la pensée et l’art au Moyen Age
Chaque année depuis l’an 2000 un colloque pluridisciplinaire organisé par Rencontres Médiévales européennes permet l’approfondissement des études sur l’art et la liturgie au Moyen-Âge principalement aux xii e et xiii e siècles. Ce sont les différentes composantes de la pensée religieuse qui sont ainsi cernées et qui se révèlent être une part importante de l’originalité de la civilisation européenne. Ce n’est pas une culture morte qui est exhumée mais bel et bien les points de repère qui font cruellement défaut à la société actuelle.
L’image pour l’image est un produit du xxi e siècle. Le tourbillon de représentations visuelles qui matraquent certains individus à toute heure en tous lieux avec des conséquences dramatiques parfois est l’apanage malheureux de notre époque. Nos ancêtres eux se donnaient le temps de réfléchir à ce que signifiait ce à quoi ils allaient donner forme. C’est pourquoi l’image religieuse médiévale nous frappe autant non seulement par son côté esthétique mais parce qu’elle est lourde de spiritualité et de sens. Les hommes avaient ainsi conscience d’appartenir à une même société car ils savaient que derrière chaque image l’histoire racontée était la leur.
Les relations culturelles entre chrétiens et musulmans au Moyen Age
Quelles leçons en tirer de nos jours ?
Le réveil est brutal. L’Europe somnolait sur son passé et sur ce qu’elle croyait acquis à tout jamais. Voilà que lui revient en boomerang une affaire qu’elle croyait avoir réglée une fois pour toutes depuis les temps ô combien lointains! de la bataille de Poitiers et ceux plus récents de la bataille de Lépante à laquelle elle associait toujours le nom de Cervantès.
L’Islam est de nouveau présent non plus du fait de la conquête militaire mais de l’arrivée par vagues successives d’une population musulmane qui s’installe. Notre société jusqu’à maintenant n’avait pas pris tellement en compte cette situation.
Les problèmes sont là et se feront chaque année plus compliqués plus ardus à résoudre.
Au durcissement de la foi de certaines couches de la population musulmane répond une douce tiédeur de nos croyances chrétiennes ancestrales que nous sommes même parfois honteux de reconnaître.
Que faire sinon reprendre notre histoire étudier les relations culturelles qui se sont établies entre chrétiens et musulmans dès le Moyen Âge.
Notre propos aujourd’hui est de revenir aux sources des religions chrétienne et musulmane et de reprendre les discussions théologiques et philosophiques qui ont eu lieu dès le Moyen Âge.
Quels sont les points où il y a divergence fondamentale entre chrétiens et musulmans?
Notre-Dame de Paris. Un manifeste chrétien, 1160-1230
Les précédents colloques des Rencontres médiévales européennes ont renouvelé notre connaissance des origines de l’architecture gothique en mettant en évidence les liens qui existent entre le propos de Suger tel qu’il a pris corps à Saint-Denis et les nouveaux courants spirituels du xii e siècle. Les études réunies dans le présent volume prolongent cette enquête. Elles rappellent en particulier le rôle important joué par l’évêque de Paris Maurice de Sully. Proche des Victorins attentif aux directives réformatrices de la papauté il fonde sa pastorale sur un renouveau liturgique dont l’exigence théologique n’est jamais exclue. C’est à lui par exemple que l’on doit la pratique de l’ostension de l’hostie. On trouvera ici le portrait de cet évêque exceptionnel ainsi que l’analyse de son grand dessein: la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Cette entreprise fut accompagnée d’une renaissance artistique perceptible notamment dans le domaine musical. En arrière-plan on retrouve l’abbaye de Saint-Victor dont on a tenté d’évaluer l’influence dans la vie spirituelle du temps. L’œuvre de Godefroid auteur d’un Microcosme illustre bien ce milieu si original. Notre époque traversée de révolutions et d’incertitudes peut encore tirer des leçons du manifeste que fut en son temps Notre-Dame de Paris.
L’architecture gothique au service de la liturgie
Actes du Colloque organisé à la Fondation Singer-Polignac (Paris) le jeudi 24 octobre 2002
Contrairement à ce que l’on a longtemps cru l’architecture gothique ne naît pas simplement d’une évolution des formes et des techniques de construction. Bien au contraire celles-ci ne sont que le moyen par lequel une génération nouvelle dont Suger abbé et maître d’œuvre de Saint-Denis est le chef de file adapte les lieux de culte à ses nouvelles exigences. Un premier colloque tenu en 2000 à la fondation Singer-Polignac avait permis de dessiner l’ambiance intellectuelle dans laquelle était né l’art nouveau: l’humanisme de l’école de Saint-Victor. À côté de ce renouveau intellectuel il fallait également prendre en compte l’importance des transformations liturgiques qui se nouent au xii e siècle et qui jouent un rôle fondamental dans le renouveau inauguré par Saint-Denis. C’est la tâche dont se sont chargés sept historiens de l’art de la littérature de la musique de la liturgie et des idées. Le rôle de Rome et des voyages italiens de l’abbé Suger apparaît prépondérant. L’architecture nouvelle adapte les édifices français aux exigences liturgiques créées par la réforme romaine au lendemain de la querelle des investitures. Plus qu’un simple problème esthétique et par-delà ses implications théologiques et philosophiques le gothique est un art profondément ancré dans son époque et qui cherche à répondre aux problèmes nouveaux et aux nouveaux besoins fonctionnels qui s’affirment alors.
Rhétorique et poétique au Moyen Âge
Le présent Colloque organisé par les Rencontres médiévales européennes tend d’abord ici comme dans d’autres recherches analogues qui ont déjà intéressé la même association à mettre en lumière par une démarche pluridisciplinaire certains aspects de la culture médiévale qui manifestent à la fois sa complexité sa profondeur et sa beauté. Il s’agit ici de la parole et de la beauté où s’accordent et s’unissent l’art littéraire et la sagesse philosophique et même théologique.
Il est en effet possible de répondre aujourd’hui à certaines objections qui s’adressent communément au Moyen Âge lui-même et plus largement aux formes d’expression qu’il met en lumière. On lui reproche à la fois d’avoir abusé de la rhétorique et de l’avoir méconnue. Mais les chercheurs savent depuis quelques années que la rhétorique ne se réduit ni à l’abstraction scolastique ni à la sophistique. Dans la forme qu’elle prend jusqu’au xiv e siècle en se référant à l’Antiquité et en préparant plus qu’on ne croit la Renaissance elle suscite et reconnaît le progrès du langage de sa justesse et de ses grâces. Pour cela elle s’appuie à la fois sur la beauté de l’idéal et sur la rigueur de la pensée sur la transcendance platonicienne et sur le bon-sens aristotélicien combiné avec l’étendue du savoir. Elle s’accorde aussi avec la poétique latine ou profane simplement lyrique ou tournée vers la liturgie. Nous savons encore aujourd’hui que l’usage positif de l’intelligence peut s’associer avec la naïveté mystique dans un divino-humanisme.
Nous avons voulu montrer dans la tradition qui mène jusqu’à la modernité cette présence constante du coeur: dans la parole la plus fine chacun peut trouver l’amour le plus pur.
L’abbé Suger, le manifeste gothique de Saint-Denis et la pensée victorine
Actes du Colloque organisé à la Fondation Singer-Polignac (Paris) le mardi 21 novembre 2000
La consécration en 1144 de la basilique de Saint-Denis par l’abbé Suger inaugure l’art gothique dont la naissance fut longtemps expliquée par l’histoire des formes et des techniques: grâce à diverses découvertes architecturales le nouveau style se serait peu à peu détaché du roman. La collaboration entre six historiens de l’art et de la pensée conduit à repenser cette explication. D’abord l’art gothique apparaît bien moins comme la continuation du roman que comme le renouvellement d’un art paléochrétien lequel était d’ailleurs bien présent dans la basilique présugérienne. Ensuite le nouveau style est un art à la fois total et cohérent: dès Saint-Denis l’architecture la sculpture le vitrail et les ornamenta ecclesiae sont intégrés dans un programme unifié qui ne saurait s’expliquer sans une étroite collaboration entre le commanditaire Suger et son maître d’œuvre anonyme. Tout ceci conduit à scruter la personnalité intellectuelle de l’abbé Suger: les sources littéraires de ses écrits attestent une familiarité avec la poésie paléochrétienne tandis que leur tonalité théologique et spirituelle invite à explorer le jeu des relations avec l’école de Saint-Victor. Celle-ci se distingue par la place originale que font Hugues et Richard à l’architecture soit comme technique soit comme métaphore de la théologie ou de la vie spirituelle et par une doctrine dont les thèmes favoris s’accordent de façon singulière avec les tendances profondes du nouveau style. En définitive malgré son sobriquet de «gothique» dont on entendait flétrir au XVIe s. tout ce qui s’écarte de l’Antiquité l’art nouveau porté par le projet de Suger et la pensée humaniste des Victorins doit être considéré comme un art de Renaissance.