Archives Internationales d'Histoire des Sciences

En 1789, le botaniste anglais James Edward Smith (1759-1828) dédie son tout premier genre de plante au philosophe Jean-Jacques Rousseau. Baptisée Roussea, cette entité monospécifique, endémique de l’île Maurice, suscite depuis lors la curiosité des botanistes. Le choix de consacrer une plante particulièrement belle et rare à un homme de lettres s’explique en partie par l’admiration que Smith porte à Rousseau et à ses Lettres sur la botanique publiées quelques années auparavant. L’hommage s’accompagne également d’enjeux institutionnels. Fondateur de la Société linnéenne de Londres, le jeune botaniste anglais contribue à présenter Rousseau sous les traits d’un disciple de Carl von Linné, image qui orientera longtemps la réception de ses écrits botaniques. L’article propose une correction de la typification de Roussea et une annexe qui recense les quarante-trois genres dédiés par Smith à une personne.

Rousseau’s Linnaean Endorsement: James Edward Smith Taxonomist and the Roussea simplex

In 1789, the English botanist James Edward Smith (1759-1828) dedicated his very first plant genus to the philosopher Jean-Jacques Rousseau. This monospecific entity, endemic to Mauritius and named Roussea, has since aroused the curiosity of botanists. The choice to dedicate a particularly beautiful and rare plant to a man of letters is partly explained by Smith’s admiration for Rousseau and his Lettres sur la botanique published a few years earlier. The tribute also involves institutional implications. As the founder of the Linnean Society of London, the young English botanist played a part in presenting Rousseau as a disciple of Carl Linnaeus, an image that would long shape the reception of his botanical writings. The paper offers a correction of the typification of Roussea, along with an appendix of the forty-three genera dedicated by Smith to a person.

Dans la Méthode thérapeutique à Glaucon, Galien consacre un chapitre aux « Causes et traitement du cancer et de l’éléphantiasis ». Concernant la diète, il écrit : « Parmi les poissons, donnez ceux de roche. » Le présent article s’intéresse à cette prescription dans les consultations ayant trait au « cancer » qui furent publiées à Padoue à l’aube des temps modernes. Le terme « cancer » et la localisation des organes affectés (sein, utérus, foie, narine, lèvre) sont expliqués en référence aux connaissances patho-physiologiques de l’époque. L’observation de Galien au sujet du « poisson de roche » est spécifiée dans son traité Sur les facultés des aliments et l’exclusion d’autres types de poissons est justifiée par leur nature « visqueuse ». La seconde partie de l’article traite de cette question : le régime padouan pour le traitement du cancer était-il similaire à celui prescrit pour d’autres maladies ? Parmi ces dernières sont mentionnées : l’arthrite, des perturbations liées aux organes reproducteurs, « les pierres aux reins ou à la vésicule », « le mal de tête avec tintement », etc. Le brochet, la daurade, le rouget sont au contraire considérés comme une alimentation sanitaire.

All the Odd Things People Pick up for Food Fish, Cancer and Paduan Consultations in Early Modern Times

In the Therapeutics, to Glaucon, Galen devotes a chapter to “The causes and treatment of cancer and elephantiasis”. As for diet, he writes: “Give rockfish”. This article deals with the dietary recommendations concerning “rockfish” in the consilia relating to “cancer” and which were published in Padua in early modern times. The term “cancer” and the localization of the organs which are affected (breast, uterus, liver, nostril, lip) are explained with reference to the pathophysiological knowledge of the time. Galen’s statement about “rockfish” is specified in his On the Powers of Foods, and the exclusion of other fish is justified by their “viscous” nature. The second part of the article is devoted to this question: was the Paduan dietary regime for the treatment of cancer similar to that prescribed for other diseases? Among the latter are mentioned: arthritis, disturbances linked with the reproductive organs, “stones in the kidneys and in the gall-bladder”, “headache with tinnitus”, etc. Pike, sea bream, red mullet are on the contrary considered to be healthy food.

Le problème de la détermination de notre position sur la surface terrestre a longtemps préoccupé (et continue à le faire) les esprits savants, et Galileo Galilei ne fait pas exception à cette règle. Au début du xvii^e siècle, bien que la latitude soit déterminée sans risque, la longitude était un problème difficile à résoudre, surtout lorsque la position à définir était celle d’un navire. Le défi consistant à trouver un moyen de déterminer les longitudes était de première importance pour les pays européens maritimes et belliqueux. Celui qui parviendrait à effectuer des voyages transatlantiques avec l’efficacité et la rapidité les plus grandes, deviendrait le maître de nouveaux territoires et de nouveaux produits à commercialiser. Galileo a pris une part active dans ce domaine. En 1610, il découvre quatre satellites joviens et voit dans cette découverte une solution au problème de la longitude. Plus tard, il invente un instrument qui contribuera à la perfection des observations astronomiques et participera à la solution du problème de la longitude. L’objectif de cet article est de présenter une analyse détaillée de cet instrument exceptionnel, un pendule unique conçu par Galileo Galilei à la fin de 1637, et d’en proposer une interprétation nouvelle.

Galileo Galilei, The Problem of Longitudes and the “Time Measurer”: A New Interpretation of the Instrument Proposed by Galileo in 1637

The determination of any position on the Earth’s surface occupied lengthily (and still does) the human ingenuity and Galileo Galilei was no exception to this rule. In the early seventeenth c., although latitude was safely determined, longitude was a difficult problem to solve, especially when the position to define was that of a ship. The challenge of finding a way to determine longitudes was of prime importance for the European maritime and warlike countries. Whoever managed to make transatlantic journeys with the greatest efficiency and speed would become the master of new territories and of new products to be commercialised. Galileo took an active part in this matter. In 1610 he discovered four Jovian satellites and saw through this discovery a solution to the longitude problem. Later he invented an instrument that would contribute to the perfection of astronomical observations and participate to the longitude solution. The aim of this paper is to present a detailed analysis of this outstanding instrument, a unique pendulum conceived by Galileo Galilei at the end of 1637, and to propose a new interpretation.

Au cours de ses trois siècles et demi d’existence, l’Académie des sciences de l’Institut de France a accueilli plus de 3000 membres en son sein, dont moins du tiers étaient des membres titulaires à part entière. C’est sans doute une spécificité de cette académie que d’avoir créé une grande variété de statuts pour augmenter son efficacité globale tout en maintenant un effectif limité de titulaires. Cet article inventorie ces statuts et analyse les parcours individuels qu’ils permettaient. Une place spécifique est faite aux Correspondants, dont l’effectif a été constamment supérieur à celui des Membres jusqu’à la fin des recrutements en 2000. Comme toute institution de ce type, dont les membres sont élus et restent en fonction jusqu’à leur décès, l’Académie est soumise à un processus de vieillissement résultant de l’allongement général de la durée de vie. Depuis les années 1960, diverses tentatives de modification des règles statutaires ont été engagées, jusqu’à la grande réforme de 2002 qui est décrite plus en détail ici, dans ses objectifs comme dans ses conséquences, avec le recul d’une quinzaine d’années et au moyen de projections jusqu’en 2035.

The Demography of the Académie des sciences (Institut de France), 1666-2017, with Projections

During the three centuries and half of her existence, the Académie des sciences of the Institut de France has counted more than three thousand members, but less than one third were “full members”. Creating a large variety of statuses has probably been a specificity of this academy, to increase the global efficacy of the institution without increasing too much the number of the full Members. In this paper we list these various statuses and analyze the individual courses they allowed. A specific focus is put on the Corresponding members who had always been more numerous than the full Members until the end of their recruitment in year 2000. As all institutions of this type, where members are admitted by election and remain until their death, the Academy endures a process of ageing as an effect of the increasing duration of life in the general population. Since the 1960s various changes in the rules have been projected or implemented, until the major reform of 2002 that we describe in more details here. The objectives are reported as well as the consequences over the 15 years already known, and with projections until 2035.

Giano Matteo Durastante, Si les démons existent et s’ils sont la cause des maladies, selon les doctrines des théologiens, des philosophes et des médecins (1567), édition critique et traduction par Jean-Yves Guillaumin et Alfredo Perifano Paris : Garnier, 2020

Christian Bracco: Maria Cecilia Bustamante De La Ossa, À l’aube de la théorie des quanta. Notes inédites d’Émile Borel sur un cours de Paul Langevin au Collège de France (1912-1913)

Ivano Dal Prete: Mordechai Feingold and Giulia Giannini (eds.), The Institutionalization of Science in Early Modern Europe

Steven Vanden Broecke: Patrick J. Boner (ed.), Kepler’s New Star (1604). Context and Controversy

Alfredo Perifano: Alessia Belli, Astrid Estuardo Flaction, Les Striges en Italie du Nord. Édition critique et commentaire des traités de démonologie et sorcellerie de Girolamo Visconti (Milan, c. 1460) et de Bernard Rategno (Côme, c. 1510)