La fabrique de la traduction
Du topos du livre source à la traduction empêchée
Abstract
Après un premier volume consacré à la traduction intralinguale de l’ancien français au français moderne, ce deuxième ouvrage d’un projet en trois volets, portant sur des aspects peu étudiés de la translatio studii médiévale, se propose d’aborder dans une même réflexion les questions de la traduction empêchée et de la traduction manipulée. Les chapitres qui le composent étudient selon des approches complémentaires aussi bien des sources manipulées que des sources non traduites. Ils permettent de révéler des différences typologiques et génériques et de distinguer plus clairement ces deux frontières de la traduction médiévale.
Se dégage ainsi de la diversité des approches et des sujets un enseignement majeur : l’activité de sélection, de philtre, de mystification, de dissimulation est à la fois le résultat d’un acte individuel et d’une stratégie plurielle. Celle-ci n’est pas seulement le fruit d’un oubli plus ou moins volontaire, plus ou moins conscient, de pans entiers de la culture, des sciences, des lettres exprimées dans d’autres langues et qui ne franchissent pas le seuil de leur idiome d’origine. Elle est aussi à la source d’un certain nombre d’ouvrages revendiquant une filiation littérale qui apparaît aujourd’hui comme fantaisiste ou fictive, comme c’est le cas avec le « topos du livre source ». Comment interpréter cette disposition à la falsification propre à des clercs nourris de morale chrétienne ? Comment expliquer que ces auteurs ne manifestent aucune réserve critique devant les supercheries qu’ils accumulent avec une évidente délectation ou une peur inquiète du vide ? Comment analyser le recours évident au stéréotype propre à l’art littéraire de leur temps : la « nostalgie du passé » ?
Au terme de ce parcours critique, on constate que la traduction empêchée et la traduction manipulée font apparaître plus clairement les confins et les différences structurelles entre une translatio studii identitaire et une traduction en français savante.
Claudio Galderisi est professeur de langues et littératures de la France médiévale à l’Université de Poitiers (CESCM). Il a dirigé les trois volumes des Translations médiévales. Cinq siècles de traductions en français au Moyen Âge (xi e-xv e s.) (Brepols, 2011). Il a codirigé avec Jean-Jacques Vincensini le volume sur la traduction intralinguale (Brepols 2015).
Jean-Jacques Vincensini est professeur de langue et littératures médiévales à l’Université de Tours (CESR). Il a édité et traduit notamment les Romans de Mélusine de Jean d’Arras et de Couldrette et prépare l’édition et la traduction de l’Escoufle de Jean Renart. Il a codirigé avec Claudio Galderisi le volume sur la traduction intralinguale.