Collection d'études médiévales de Nice
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Architectures du monachisme
Une histoire monumentale de l’Île Saint-Honorat de Lérins, Ve-XIIIe siècle
L’île Saint-Honorat de Lérins accueille des religieux depuis le début du Ve siècle. Il s’agit d’un haut lieu du monachisme témoin des expériences ascétiques insulaires qui se développent en Occident durant l’Antiquité tardive. Le caractère exceptionnel de Lérins tient aussi à la longue durée d’occupation du site par des religieux. Ce n’est qu’à partir de 2005 qu’ont été entreprises des recherches archéologiques d’envergure sur l’île : fouilles et archéologie du bâti qui font de Lérins la seule île monastique pour laquelle il existe des vestiges archéologiques remontant de façon assurée aux premières expériences ascétiques occidentales. En présentant ce dossier l’ouvrage de Yann Codou apporte un éclairage inédit sur la genèse du monachisme en Occident où des expériences érémitiques cohabitent au sein de l’espace insulaire avec des formes de vie plus collectives. Les données restituent également les dynamiques du monachisme au cours du haut Moyen Âge et dans les siècles suivants en particulier le processus de communautarisation du monachisme. L’architecture est ici un document historique à part entière qui dialogue avec les sources écrites. Les multiples monuments qui composent le paysage insulaire offrent un terrain de choix pour comprendre des mécanismes de construction identitaire fondés sur la création et la réinterprétation des espaces sacrés. Les enjeux de la recherche dépassent largement l’histoire de la seule communauté lérinienne pour s’inscrire dans une réflexion sur l’organisation des espaces monastiques et leurs mutations tout au long du Moyen Âge.
Images, signes et paroles dans l’Occident médiéval
Cet ouvrage rassemble dix contributions qui proposent des perspectives originales pour l’analyse conjointe des modes d’expression figurée de l'Occident médiéval. Menées tant par des « historiens de l’art » que par des « historiens » elles abordent la question de l’image-objet des signes alphabétiques et iconiques du lieu peint de la liturgie et de la prédication. Documents d’archives exégèse biblique sermons et récits hagiographiques sont exploités de manière fine et exhaustive pour rendre compte au plus près du contexte d’exécution des œuvres qu’elles soient inconnues ou célèbres. Ce sont alors les angles d’approches adoptés comme l’anthropologie des images ou les études transgenre mais aussi les relations complexes entre art architecture et rites qui enrichissent ici l’exploration et d’objets de culte - les lipsanothèques catalanes les linges de l’autel ou les ex-voto - et de panneaux peints - comme la Flagellation du Christ de Piero della Francesca - et des cycles de peintures décorant la Tour Ferrande à Pernes-les-Fontaines San Pellegrino à Bominaco et cinq chapelles de la Ligurie et du Piémont.
Romaniser la foi chrétienne ?
La poésie latine de l’Antiquité tardive entre tradition classique et inspiration chrétienne
Le présent ouvrage participe aux recherches sur la poésie latine tardo-antique qui s’efforcent de situer et de décrire l’émergence puis le développement de cette poésie dans le cadre de la christianisation de l’Empire. Tout en situant les auteurs et les œuvres par rapport aux grands changements et aux convulsions idéologiques qui ont traversé la société romaine du iii e au vi e siècle les dix contributions de ce volume réunies par Giampiero Scafoglio et Fabrice Wendling tentent d’appréhender par le biais de la littérature un phénomène désormais bien étudié par les historiens celui de la transformation du christianisme dans le contexte constantinien et théodosien d’une religion devenue romaine. Si l’on observe dans la sacralisation des bâtiments et des lieux un processus qui opère une rupture avec la religion spirituelle des premiers siècles ne peut-on trouver trace d’une telle mutation dans la poésie des iv e et v e siècles ? Une expression désignant le Christ comme Saluator generis Romulei (Prudence) l’effacement des thématiques chrétiennes dans certains poèmes d’Ausone l’apparition dans les hymnes de Prudence d’une topographie sacrée l’éloge hyperbolique de l’art oratoire chez un Ennode de Pavie ou encore la stigmatisation de la virginité dans tel Épithalame du même Ennode ne témoignent-ils pas d’une forme de « romanisation » ou - plus exactement peut-être - d’interpretatio romana de la foi chrétienne d’origine hébraïque ? Autrement dit symétriquement à la « conversion » de la culture classique dont témoigne la littérature chrétienne ne peut-on mettre au jour dans les textes poétiques un processus sans doute déconcertant mais réel de transformation de la foi de transmutation de ses contenus originels sous l’effet d’une poésie chrétienne qui garde des attaches profondes non seulement avec la poésie classique mais encore avec tout le « passé » de la civilisation romaine antique jusque dans ses aspects religieux ?
Labeur, production et économie monastique dans l’Occident médiéval
De la Règle de saint Benoît aux Cisterciens
Tous les groupes humains produisent afin d’assurer leur subsistance mais il n’y a pas de « travail » ni a fortiori de « travailleurs » dans nombre de sociétés au sens du moins que ces notions ont pris en Europe à l’époque de l’industrie et de l’économie politique. Reste que beaucoup d’historiens considèrent le monachisme du Moyen Âge comme une sorte de laboratoire des formes du « travail » en Occident du reste à l’origine du processus de « croissance » qui caractérisa cette partie du monde.
Les quatorze auteurs de ce volume ont entrepris de reprendre sur nouveaux frais la question des représentations et des pratiques du labeur en examinant tout à la fois les modèles les règlements et les rapports sociaux à l’œuvre au sein des monastères occidentaux depuis les premiers écrits latins et les premières traces archéologiques jusqu’au développement des établissements cisterciens aux XIIe-XIIIe siècles. Plusieurs contributions s’efforcent de reconstituer les catégories médiévales de l’activité humaine tout en interrogeant les modalités concrètes d’exploitation des ressources. L’ouvrage accorde une large place aux débats historiographiques en s’attachant notamment à saisir la genèse entre xixe et xxe siècle de la figure du « moine civilisateur » et de l’idéal du « travail monastique » souvent bien éloignés des réalités du Moyen Âge.
Les déserts de l’Occident
Genèse des lieux monastiques dans le sud-est de la Gaule (fin iv e - milieu vi e siècle)
Au cours du v e siècle dans le sud-est de la Gaule plusieurs ascètes entreprennent d’aménager des lieux monastiques sur des îles : à Lérins Porquerolles l’Ile-Barbe la Cappe. Définissant ces établissements insulaires comme des déserts ils entendent affirmer leur séparation avec le monde profane consacrant par une rupture spatiale la rupture sociale inhérente au monachisme.
Relisant les données transmises par les documents écrits et exploitant les ressources de fouilles archéologiques parfois très récentes ce livre étudie la genèse de ces lieux monastiques séparés en y voyant la caractéristique majeure des expériences monastiques mises en oeuvre dans le sud- est de la Gaule aux v e et vi e siècles. Il s’interroge tout d’abord sur le modèle de l’île-monastère en reconnaissant l’influence de Jérôme de Stridon et de pratiques développées vers 400 dans l’archipel toscan. Il décrypte ensuite la formation des monastères dans les îles provençales et rhodaniennes puis dans les villes où furent institués des établissements de vierges cloîtrées. Il présente enfin les grands textes monastiques rédigés dans l’espace rhodano- provençal dans la première moitié du vie siècle en montrant qu’ils firent des traditions nées dans le sud-est de la Gaule une source majeure de la culture monastique occidentale.
Richesse, terre et valeur dans l'occident médiéval
Économie politique et économie chrétienne
Quelles sont les conséquences de l’encastrement de l’économique dans le social ? Posée dès les années 1940 par Karl Polanyi à propos des sociétés qui se situent de l’autre côté du « grand partage » cette question est déterminante pour comprendre les conditions autant culturelles que matérielles du développement au sein de l’Occident médiéval. Sans renoncer à un certain nombre d’interrogations de l’économie politique l’ouvrage de Laurent Feller intègre les méthodes et les résultats des sciences sociales afin de parvenir à une description du réel qui rend compte de l’action des hommes sur les choses et de ce que font les agents dans la société chrétienne du Moyen Âge lorsqu’ils produisent échangent et consomment. Il s’intéresse notamment à l’attitude des élites à l’égard de la terre à la fois outil de production et vecteur de prestige aux instruments cognitifs des moines des évêques et des aristocrates laïcs qui manipulent les richesses aux modes d’évaluation et aux façons de solder les échanges.
Monastères et espace social
Genèse et transformation d’un système de lieux dans l’Occident médiéval
Cet ouvrage présente les résultats d’une enquête menée par des archéologues et des historiens sur l’organisation spatiale du monachisme au Moyen Âge. Il propose tout à la fois des synthèses inédites sur plusieurs complexes ou cités monastiques et une réflexion sur les processus d’articulation et de hiérarchisation des lieux de vie de culte et de production constitutifs des monastères occidentaux. Il s’intéresse entre autres aux différentes formes de circulation - déplacements pragmatiques déambulations liturgiques parcours mentaux - qui ont favorisé la structuration et la monumentalisation de ces ensembles religieux.
La mise en place et le développement des monastères sont ici appréhendés au travers des usages de l’espace par l’étude des monuments des textes et des images qui en portent la trace. Les auteurs de ce volume mettent ainsi en évidence la genèse et la transformation d’un système de lieux singulier qui fut dans l’Occident médiéval l’un des principaux laboratoires des représentations et des pratiques de l’espace social.
Église, richesse et pauvreté dans l'Occident médiéval
L'exégèse des Évangiles aux XIIe-XIIIe siècles
Heureux vous les pauvres : le Royaume des cieux est à vous. […] Mais malheureux vous les riches : vous tenez votre consolation (Luc 6 20 et 24). Les appels à la pauvreté et au partage les mises en garde contre les richesses s'avèrent extrêmement fréquents dans les textes évangéliques les plus célèbres de nos jours encore. L'objet de cet ouvrage est d'étudier leur écho dans la société occidentale des XII e et XIII e siècles où les richesses issues du commerce commencent à affluer dans les villes et où les inégalités se creusent tandis que la Bible demeure l'autorité par excellence.
L'auteur s'intéresse tout d'abord à l'élaboration par les moines et les clercs d'un idéal de pauvreté volontaire qui ne s'impose qu'à partir du XII e siècle. Il étudie les étapes les acteurs et les enjeux de cette construction qui concerne tout à la fois l'interprétation de passages fondamentaux de l'Évangile la place accordée aux laïcs et l'expression de la hiérarchie dans l'Église. L'affirmation de la pauvreté y apparaît indissociable de celle d'une forme de domination. Il pose ensuite la question de l'articulation de ce discours aux réalités sociales. L'exaltation de la pauvreté se traduit-elle par une hostilité à l'égard des richesses et des riches ? Par une condamnation des activités lucratives ? Par une revalorisation de l'image des miséreux ? Il apparaît plutôt - et c'est la thèse que soutient l'auteur - que la préoccupation essentielle des exégètes était de placer l'Église au coeur de la société au centre des échanges matériels comme symboliques si bien que les riches firent l'objet de toutes les attentions au risque d'en oublier les pauvres.
Encyclopédire
Formes de l'ambition encyclopédique dans l'Antiquité et au Moyen Âge
Au regard du modèle que représente l’Encyclopédie des Lumières envisagée comme un aboutissement et non comme un commencement plusieurs œuvres antiques et médiévales ont été perçues au cours des dernières décennies comme des préfigurations ou des prodromes de ce comble du savoir. Les contributions réunies dans ce volume n’entendent pas imposer le label d’encyclopédie à de nouveaux objets littéraires ou confirmer celui qu’ont déjà reçu ailleurs des œuvres anciennes mais réfléchir à la vocation profonde qui sous-tend travaille et motive certains savants de l’Antiquité au Moyen Âge construisant un horizon de savoir total et organisé.
L’ambition encyclopédique est dès lors la dynamique commune d’un programme de constitution d’un système du monde où les sciences sont appelées à se coaliser pour former une culture rationnelle complète. Encyclopédire le monde c’est engager son discours dans une perspective totalisante même s’il ne porte que sur des aires partielles. Le défi majeur que porte une telle ambition est donc la synthèse des savoirs ; il lie étroitement trois questions : les enjeux scientifiques d’une visée encyclopédique les choix de transmission et d’intégration des savoirs et les principes et mode d’organisation interne des œuvres.
Les auteurs de cet ouvrage se sont interrogés sur des œuvres ou des genres révélateurs de cette ambition sur les formes et les expressions de ce syndrome ou complexe encyclopédiste et sur les modalités de cette volonté d’encyclopédire que l’on suppose tenace archaïque et profonde.
La dîme, l’Église et la société féodale
Les auteurs de ce livre s’interrogent sur le rôle historique de la dîme dans le développement des sociétés occidentales. Prélèvement d’un dixième imposé à tous en principe sur toute forme de production et en particulier sur les fruits de la terre destiné à l’entretien des clercs et des pauvres la dîme fut au Moyen Âge à l’origine de pratiques substantielles de redistribution des biens en même temps qu’un élément essentiel de structuration des rapports sociaux.
Dans l’histoire variée des dîmes dont ils s’efforcent de restituer les différentes facettes des représentations et des normes aux usages sociaux les historiens qui ont participé à ce volume saisissent les formes d’échanges et de domination caractéristiques de la société féodale ainsi que la part prise par l’Église dans cette société.
L’ouvrage met en évidence la diversité tout à la fois chronologique et spatiale de l’histoire des dîmes. Les contributions relatives aux pratiques du prélèvement concernent la Francie du Nord-Est de l’Ouest et du Midi la Bourgogne ainsi que l’Italie centrale et septentrionale entre le VIIIe et le XVe siècle ; les chapitres consacrés aux discours sur la dîme évoquent les écrits des Pères de l’Église les principes élaborés à l’époque carolingienne et les productions (théologiques juridiques) émanant des intellectuels des XIIe et XIIIe siècles.
Dans un chapitre préliminaire (« Pour une histoire de la dîme et du dominium ecclésial ») Michel Lauwers expose les hypothèse et les résultats du programme de recherche qui a donné lieu à plusieurs rencontres scientifiques depuis 2007 et abouti à ce livre tandis que dans une postface (« Des fruits et des hommes ») Mathieu Arnoux propose un certain nombre de perspectives parfois volontairement décalées par rapport aux travaux ici réunis.
Humanistes, clercs et laïcs dans l’Italie du XIIIe au début du XVIe siècle
Pourquoi associer dans le titre de cet ouvrage les catégories usuelles au Moyen Âge de clercs et de laïcs aux « humanistes » un mot qui n’apparaît dans les documents qu’à l’extrême fin du XVe siècle ? La juxtaposition des trois termes nous rappelle que ces admirateurs et imitateurs des auteurs antiques que nous nommons humanistes appartenaient tant à l’un qu’à l’autre des deux « genres de chrétiens » définis depuis la réforme grégorienne. Ce sont bien des laïcs en effet qui ont lancé le mouvement humaniste à Padoue au XIIIe siècle mais par la suite des clercs des frères et des moines y participèrent également.
À la différence d’une historiographie qui a bien souvent privilégié les ruptures et les oppositions entre clercs et laïcs entre scolastiques et humanistes les auteurs de ce livre s’intéressent aux continuités tout en s’affranchissant d’une approche exclusivement littéraire ou philosophique qui est dominante en particulier pour les “grands” humanistes. En prenant en compte les personnages “mineurs” ou les oeuvres “mineures” de grands auteurs il s’agit également de “démonumentaliser” les oeuvres littéraires et de les examiner du point de vue des échanges féconds entre clercs et laïcs qui ne cessèrent entre le XIIIe et le début du XVIe siècle de nourrir la culture urbaine italienne. Les prises de position des humanistes sont ici systématiquement replacées dans le cadre de dynamiques sociales et de réseaux construits.
Les quinze contributions de ce volume ont été regroupées en quatre sections : les deux premières privilégient une analyse des modèles discursifs - c’est le cas pour l’art de la parole ainsi que pour les champs de l’hagiographie et de la philologie biblique et patristique - tandis que les deux autres sections privilégient plutôt une approche en termes de réseaux d’appartenance et de posture vis-à-vis des pouvoirs institutionnalisés.
Approches du bilinguisme latin-français au Moyen Âge: linguistique, codicologie, esthétique
Le Moyen Âge a vu naître les langues romanes. L’émergence progressive de ces nouveaux systèmes linguistiques puis leur accession à l’écrit et à la littérature n’a pourtant pas rendu caduc l’usage du latin. Témoignent de cette résistance du latin la diglossie de nombreux locuteurs auteurs ou copistes médiévaux ainsi que le bilinguisme courant de leurs énoncés et de leurs productions textuelles. Ces phénomènes ont été éclairés et illustrés par d’abondants travaux dont l’apport est régulièrement signalé par les auteurs de ce volume.
L’originalité du présent recueil tient au fait qu’y sont analysées les modalités de cohabitation du latin et de la langue d’oïl dans les textes du Moyen Âge central et tardif. Cette réflexion collective adossée à un souci permanent de définition théorique se montre attentive à l’évolution chronologique depuis les Psautiers bilingues du xii e siècle jusqu’aux imprimés du xvi e siècle. Elle est sensible aussi à des enjeux variables depuis l’enseignement élémentaire de la grammaire ou du vocabulaire jusqu’à la mise en œuvre de dispositifs esthétiques complexes. En s’appuyant sur les témoins — pour la plupart manuscrits — qu’a pu susciter la double compétence linguistique médiévale les auteurs du volume interrogent la conception des textes bilingues leurs conditions d’élaboration leur transmission leur réception. L’insertion souvent discrète de fragments latins au sein de textes français tout comme la présence plus rare de la langue d’oïl au sein de manuscrits latins se lit alors comme un mode d’expression aussi raffiné que spontané susceptible d’enrichir les usages prévus pour le texte enchâssant. Au-delà l’ensemble de ces études permet d’entrevoir la conscience linguistique des locuteurs du Moyen Âge.
Lérins, une île sainte de l’Antiquité au Moyen Âge
Dans les années 400-410 un groupe d’ascètes menés par Honorat s’installe sur la plus petite des deux îles de Lérins au large de Cannes donnant ainsi naissance à l’un des premiers établissements religieux d’Occident. Ce «désert» monastique devint très tôt un pôle d’attraction sans équivalent sur les plans spirituel intellectuel et social ainsi qu’un lieu d’essaimage fournissant personnel structures d’autorité et système de valeurs à la société de l’Antiquité tardive. Au Moyen Âge les moines lériniens bâtirent à partir de leur île une puissante Église seigneuriale commandant un vaste réseau de prieurés et de dépendances engagée au service de la papauté et dans la lutte contre les ennemis de la foi tels que les Sarrasins. L’histoire de Lérins est bien celle d’une Église dominant la société de son temps.
Les écrits composés entre le v e siècle et l’époque moderne - qui nous permettent et nous imposent en même temps d’envisager cette histoire dans la longue durée - attestent la manière dont les religieux ont progressivement assimilé leur établissement à une «île sainte» puis à une «île sacrée» identifiée à l’Ecclesia dans son ensemble. L’élaboration d’une ecclésiologie originale à laquelle sont consacrés plusieurs chapitres de ce livre s’est accompagnée de l’aménagement sur l’île d’une singulière topographie juxtaposant un ensemble claustral auquel est venu s’adjoindre une tour fortifiée et une série de lieux de culte secondaires ou chapelles bornant l’espace insulaire: les auteurs du livre s’efforcent aussi de comprendre l’organisation et le sens de cet espace sacralisé très particulier dont les moines ont œuvré au fil des temps à construire et reconstruire la mémoire.
Les différents chapitres de cet ouvrage fruit d’une collaboration entre antiquisants et médiévistes historiens et archéologues sont issus d’un Colloque international organisé par le Centre d’études Préhistoire Antiquité Moyen Âge de l’Université de Nice - Sophia Antipolis et du CNRS du 21 au 23 juillet 2006 ainsi que de travaux entrepris à nouveaux frais à la suite du Colloque par une équipe de médiévistes.
L'hérétique imaginé
Hétérodoxie et iconographie dans l’Occident médiéval, de l’époque carolingienne à l’Inquisition
L’hérésie médiévale est depuis quelques années au cœur d’un débat historiographique très vif. Toutefois le thème n’avait jamais été abordé de manière systématique à partir des images. Le livre d’Alessia Trivellone vient combler cette lacune en étudiant l’ensemble des représentations d’hérétiques dans l’Occident médiéval tous supports confondus depuis leur apparition au tournant des VIIIe et IXe siècles jusqu’au premier tiers du XIIIe siècle à la veille de la création de l’Inquisition.
Grâce à la mise en place d’une méthodologie rigoureuse l’imaginaire médiéval lié à l’hérésie est ainsi saisi à travers les représentations d’hérétiques élaborées au sein des milieux orthodoxes. L’analyse des images permet de suivre l’actualisation opérée aux XIe et XIIe siècles des définitions de l’hérésie fournies par les écrits des Pères ainsi que l’apparition entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle d’une idée abstraite d’hérésie désormais conçue comme une épreuve nécessaire en vue du salut. Au cours du premier tiers du XIIIe siècle un autre changement se dessine : la référence à l’Antiquité et le recours aux personnifications disparaissent de l’iconographie pour faire place à la représentation de groupes hérétiques contemporains représentés en train d’accomplir les rites dont ils sont accusés ou de subir les châtiments auxquels ils ont été condamnés.
Ce livre propose donc une histoire de l’idée d’hérésie à travers le prisme des images une histoire qui constitue l’arrière-plan idéologique de la lutte antihérétique au sein de la société occidentale.
L’auteur
Après des études d'histoire de l'art en Italie à l’Université de Rome « La Sapienza » Alessia Trivellone a soutenu en 2005 au Centre d’Études Supérieures de Civilisation Médiévale - Université de Poitiers une thèse de doctorat sur l'iconographie de l’hérétique. Actuellement chargée d'enseignement à l'Université de Nice et associée au CEPAM (Université de Nice / CNRS) elle mène une recherche post-doctorale dans le domaine de l'iconographie médiévale au sein de l'UMR 5594 (Université de Dijon / CNRS).
Construire une société seigneuriale
Itinéraire et ecclésiologie de l'abbé Odon de Cluny (fin du IXe-milieu du Xe siècle)
Entre la fin du IXe et le milieu du Xe siècle de nouvelles formes de pouvoir émergent en Occident au sein d’un monde encore carolingien : un bouleversement majeur qui marque la genèse de la société seigneuriale. C’est cette période charnière que permet d’appréhender la figure d’Odon deuxième abbé de Cluny grand aristocrate réformateur acharné et intellectuel de haut niveau.
L’itinéraire d’Odon (né vers 879 mort en 942) acteur de premier plan et témoin privilégié de son temps reflète en effet la profonde transformation des structures aristocratiques alors à l’œuvre tandis que l’ecclésiologie originale élaborée par l’abbé réformateur avec un bagage qui demeure celui du lettré carolingien définit les conditions et les contours d’une société d’un type nouveau. L’objet de cet ouvrage est bien de cerner au plus près la recomposition des rapports de force et les ressorts idéologiques d’un monde où le champ des possibles est largement ouvert. À quelles stratégies à la fois sociales et discursives un puissant aristocrate entré au service de Dieu a-t-il recours pour fonder et asseoir son pouvoir ? À un moment où évoluent les cadres de la société et où se bâtissent de nouvelles légitimités de quelle manière un réformateur justifie-t-il la domination des moines sur l’ensemble du corps social ? Il s’agit en d’autres termes d’analyser comment un abbé du Xe siècle construit tant sur le plan des pratiques sociales que des représentations une certaine société seigneuriale.
Isabelle Rosé agrégée et docteur en histoire a réalisé ce travail dans le cadre du Centre d’études Préhistoire Antiquité Moyen Âge unité mixte de recherche de l’université de Nice-Sophia Antipolis et du CNRS. Elle est à présent maître de conférences à l’université de Haute-Bretagne - Rennes 2.
Mises en scène et mémoires de la consécration de l’église dans l’Occident médiéval
Le déroulement de la consécration ou dédicace d’une église est codifié dans l’Église latine aux vii e et viii e siècles pour devenir au Moyen Âge central un rituel fastueux. La consécration apparaît alors comme l’acte fondateur d’un nouvel espace-temps polarisé par le bâtiment ecclésial. Les paroles prononcées et les gestes effectués lors du rituel contribuent à manifester cette nouvelle naissance et les transformations qu’elle implique. Les mesures prises pour en conserver le souvenir inscrivent l’événement dans la mémoire de la communauté liée au lieu consacré.
Œuvre commune d’un groupe d’historiens d’historiens de l’art et d’archéologues médiévistes le présent ouvrage propose une réflexion sur les implications sociales de la consécration de l’église au Moyen Âge central. Il s’agit tout d’abord de comprendre la dynamique du rituel et ses effets sociaux en étudiant les déplacements des protagonistes les gestes des célébrants tant furtifs (bénédictions signes de croix onctions) que durables (marquages au sol ou sur les murs) les paroles prononcées la musique les chants et les odeurs qui plongent le rituel dans une atmosphère multi-sensorielle. Il s’agit ensuite d’examiner les conditions de production d’un commentaire normatif et exégétique sur la consécration tant en amont qu’en aval de la célébration et de comprendre les liens qui unissent ces différents modes de discours sur le rituel. Il s’agit enfin de comprendre les formes et les effets sociaux des narrations de l’événement-consécration tant par le verbe (de la notice à la chronique) que par l’inscription monumentale et l’image peinte ou sculptée. Ces trois axes de la réflexion sont envisagés de manière croisée et complémentaire.
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont implantés dans des structures universitaires ou de recherche en France Suisse Belgique Canada et États-Unis.
La prière en latin, de l’Antiquité au XVIe siècle : formes, évolutions, significations
À un moment où plusieurs travaux sont consacrés à la prière et où cette question semble de plus en plus intéresser la communauté scientifique une trentaine de spécialistes — littéraires linguistes historiens philosophes théologiens — se sont réunis à Nice afin d’étudier les formes les évolutions et les significations de la prière en latin depuis ses origines étrusco-italiques jusqu’à la Réforme protestante. C’est ainsi plus de vingt siècles de textes eucologiques latins qui sont abordés selon des perspectives et des approches différentes mais complémentaires dans un dialogue riche de débats.
L’ouvrage présente tout d’abord sur un objet central dans l’histoire de l’Occident latin corpus des sources et problématiques: écriture et oralité liturgie et dévotion personnelle ruptures et continuités entre la prière païenne et chrétienne… Il illustre ensuite la rencontre entre des chercheurs de disciplines diverses qui ont entrepris d’étudier la prière latine dans toutes ses harmoniques ainsi que sa place dans différentes sociétés: civilisation romaine Antiquité chrétienne Moyen Âge occidental Réforme protestante et réaction catholique. Ce livre offre enfin une large matière à réflexions pour tous ceux qui s’intéressent au sacré et à son expression.
Prêcher la paix et discipliner la société
Italie, France, Angleterre (XIIIe-XVe siècles)
La paix donnée par le Christ aux fidèles selon le verset de Jean (14 27) — «Je vous laisse la paix je vous donne ma paix» — fut envisagée au Moyen Âge en fonction de la capacité qu’avaient les hommes de l’établir au sein de la société et de la sauvegarder. La paix était étroitement liée à une théologie de la domination renvoyant à Dieu tout en servant de fondement à divers modèles d’autorité et d’obéissance.
C’est de cette paix prêchée pour discipliner et ordonner la société qu’il est surtout question dans ce livre qui s’ouvre par une étude sur le sens et les usages des concepts de paix et de guerre entre l’Antiquité classique et l’Empire chrétien. La période envisagée ensuite — xiii e-xv e siècles — est celle du renforcement en Europe occidentale des institutions urbaines de la monarchie et de la papauté.
Les études réunies ici ne se limitent pas aux productions savantes; elles tentent aussi de comprendre les relations entre idéologie et pratiques sociales entre propagande et réception entre discours et mécanismes de discipline sociale entre prédication et mouvements collectifs en observant comment les éléments majeurs énoncés dans les traités se sont glissés dans la parole publique.
À une époque où l’on assiste à l’essor de toutes sortes de prises de parole et à un certain impérialisme de la prédication le discours sur la paix pose la question des modalités de la rencontre des champs ecclésiastique et laïque dans ce genre de discours: quant au statut des personnes qui prennent la parole (clercs ou laïcs) aux lieux (l’église la place publique le conseil urbain le parlement) aux formes (le sermon ou la harangue) à la langue (latin ou vulgaire) ou encore aux sources (références aux Anciens et à l’Écriture).
Guerriers et moines
Conversion et sainteté aristocratiques dans l'Occident médiéval (IXe-XIIe siècle)
Dans l'Occident du IXe siècle les clercs se mirent à rédiger des traités pour définir la conduite que devaient observer les grands aristocrates désormais envisagés comme les membres d'un « ordre des laïcs ». Un siècle plus tard les modèles et recommandations proposés dans ces traités se retrouvent dans des récits souvent composés par des moines qui racontent la vie et vantent la sainteté de puissants laïcs ayant mené une activité guerrière avant de se « convertir » c'est-à-dire d'entrer au monastère. Ce sont ces Vies ou biographies pieuses ainsi que le thème de la conversion de leurs protagonistes qui constituent la matière principale de ce livre: pour la première fois plusieurs chercheurs procèdent à un examen systématique des récits consacrés à ces saints des Xe XIe et XIIe siècles tout à la fois (ou successivement) guerriers et moines.
Dans quel but de tels récits ont-ils été mis par écrit ? À quoi ont-ils servi ? Que nous apprennent-ils sur la société féodale qui les a suscités ? Le développement de modèles de sainteté guerrière et d'un idéal de conversion des puissants est ici mis en rapport avec la réorganisation des structures sociales de l'Occident de cette époque. Les Vies de guerriers convertis participaient à une production idéologique réalisée localement au sein des ateliers d'écriture monastiques qui définissait les formes légitimes de la domination et de la hiérarchie dans la société féodale ainsi que les rapports entre les deux versants de la classe dominante les guerriers et les moines.
L'histoire du catharisme en discussion
Le "concile" de Saint-Félix (1167)
Dans l'Histoire des ducs de Narbonne de Guillaume Besse parue en 1660 est publiée une charte écrite par des hérétiques rassemblés à Saint-Félix du Lauragais en 1167. On y raconte qu'un certain Papa Niquinta a ordonné des évêques et fait délimiter les diocèses de Toulouse et de Carcassonne. Quoique son authenticité soit mise en doute par certains depuis cinquante ans ce texte est au fondement de l'histoire de catharisme. En janvier 1999 un débat a été organisé à partir de trois interventions soutenant la possibilité d'un faux et protestant contre la projection de schémas de pensée étrangers au XII e siècle. Ce débat forme la première partie du livre. La deuxième partie rend compte des recherches poursuivies ensuite et menées séparément par une équipe de l'Institut de Recherche et d'Histoire des textes sous la direction de Jacques Dalarun et par Monique Zerner. De part et d'autre des découvertes renouvellent la question. Le laboratoire bien vivant des historiens ouvre sa porte et montre ses divergences.