Histoires de famille. La parenté au Moyen Age
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Pouvoir et solidarités d'une famille seigneuriale
Le « Parentat » Lusignan entre France, Îles Britanniques et Orient latin (x e-xiv e siècles)
La famille châtelaine de Lusignan est un excellent exemple du phénomène de diffusion dynastique de l'aristocratie française. Elle connaît à la fin du xii e siècle et surtout au début du xiii e siècle une ascension fulgurante étendant son emprise sur le Haut puis le Bas-Poitou s'emparant du comté de la Marche puis de celui d'Angoulême imposant sa domination sur le nord du duché d'Aquitaine. Une série de mariages ajoute au patrimoine de ses membres le comté d'Eu en Normandie celui de Penthièvre et les seigneuries de Fougères et de Porhoët en Bretagne ainsi que dans les îles Britanniques les honneurs de Hastings et de Tickhill l'évêché de Winchester les comtés de Pembroke et de Wexford. La couronne de Jérusalem et son substitut le trône chypriote reste leur plus marquante acquisition d'autant qu'elle est directement liée à la perte de la ville sainte.
Cet ouvrage est né d’une interrogation sur le potentiel politique que pouvait constituer un tel ensemble familial pourvu que les liens du sang perdurent. De fait la famille de Lusignan forme un groupe cohérent structuré par les liens de la parenté dont les membres partagent une identité entretenue par un certain nombre de repères communs ainsi qu’un réseau de coopération et de soutien mutuel. Leur union constitue une véritable puissance politique et territoriale qui transcende les limites des royaumes et des principautés. Le concept de « parentat » a été forgé à partir d’un vocable latin emprunté à une chronique médiévale pour saisir de manière holistique ce pouvoir politique réticulaire fondé sur la solidarité des membres d’une même famille ayant rassemblé au fil des générations une grande diversité de principautés et de seigneuries parfois voisines parfois très dispersées.
Cette étude du parentat Lusignan s’intéresse à sa propagation transrégionale au pouvoir exercé à l’échelle de l’individu comme à celle du groupe familial sur les hommes et les biens aux pratiques de gouvernementalité aux procédés de matérialisation du pouvoir comme aux modes de sa contestation ainsi qu’aux dynamiques familiales qui concourent à structurer le parentat politiquement et socialement qui entretiennent sa cohésion forgent sa mémoire construisent son identité et affermissent son unité.
Le Bas-Poitou du xi e au milieu du xiii e siècle
Une société au miroir de ses écrits
Cet ouvrage se penche sur une région peu étudiée jusqu’à présent : le Bas-Poitou situé en périphérie des principautés bretonnes angevines et charentaises. Grâce à la diversité de ses terroirs et aux circonstances politiques particulières qu’elle a connues cette région est privilégiée pour étudier l’organisation des sociétés médiévales durant la période charnière des xi e-xiii e siècles.
Cette étude se concentre sur l’ensemble des familles aristocratiques de la région soit plus de 128 lignées identifiées par des tableaux de filiation une cartographie et des recherches archéologiques et monumentales sur les lieux de pouvoir. L’ouvrage se structure autour de trois articulations majeures : l’écrit et la façon dont les moines scribes ont perçu et mis par écrit l’organisation des lignages la nature des pouvoirs exercés et leurs liens particuliers avec la divinité manifestés par les nombreuses aumônes accordées et l’élévation d’églises et d’abbayes. Leur implantation au sein des territoires en a constitué la seconde pour comprendre comment ils ont pu transformer un espace en châtellenies polarisées autour d’un château délimitées précisément et soumis à leur autorité. L’exercice du pouvoir en est la troisième : comment ces familles ont-elles progressivement constitué un réseau capable de relayer leur influence et de surmonter les principaux défis que sont les disparitions et les crises de succession. Si des tendances communes se dégagent chaque lignage développe ses propres stratégies (resserrement lignager viage) et surtout renforce ses liens avec les communautés monastiques les seules capables de lutter par leurs prières contre le pire des fléaux l’oubli.
À travers l’étude de ces familles c’est toute l’histoire d’une région qui se construit intégrant ses rythmes ses particularités topographiques et historiques qui continuent à dessiner la Vendée d’aujourd’hui.
Mobilités du lignage anglo-normand de Briouze (mi-xi e siècle – 1326)
La famille de Briouze se désigne elle-même depuis le milieu du xi e siècle par un toponyme en référence au centre originel de sa puissance territoriale. Le qualificatif d’« anglo-normand » employé pour désigner le lignage de Briouze permet d’évoquer sa double appartenance culturelle. Le lignage dépasse cette acception binaire en s’implantant dans les régions annexées par la couronne anglaise. Les Briouze sont des seigneurs transrégionaux puisqu’au gré des conquêtes ils construisent un vaste patrimoine transmaritime morcelé à l’intérieur du monde anglo-normand.
Relier les parcours individuels et les stratégies lignagères aux évolutions d’ensemble : cette démarche permet de saisir la complémentarité des phénomènes à des échelles variées pour discerner les particularismes propres aux Briouze. L’interconnexion entre expansion territoriale ascension sociale et loyauté envers la royauté est l’une des caractéristiques de leur histoire. Cette dernière est écrite par le recoupement d’actes collectés dans les fonds ecclésiastiques et les archives du pouvoir souverain croisés aux discours produits par l’historiographie médiévale. Les discontinuités coïncident avec l’évolution de la structure du lignage et des rapports entre la famille et le pouvoir.
La capacité d’adaptation - ou l’inadaptation - du lignage de Briouze aux différentes formes de mobilités question centrale de cet ouvrage transparaît dans leur aptitude à affronter et surmonter les situations de crise. À l’intersection des formes de mobilités aux évolutions distinctes - politique sociale culturelle et économique - se trouve la mobilité géographique trait d’union entre ces transformations différenciées ainsi imbriquées. Chaque rupture chaque chute du lignage éclate sous la pression du pouvoir politique mais survient lorsque les possibilités d’expansions territoriales sont contrariées ou empêchées.
Simon de Montfort (c. 1170-1218)
Le croisé, son lignage et son temps
La carrière de Simon de Montfort - seigneur français earl anglais croisé en Terre sainte et dans le Midi de la France - n’a pas cessé de marquer ses contemporains et sa postérité. Bien de ses compagnons d’armes ont vu en lui le plus pieux et le plus courageux des héros le modèle du chevalier du Christ (miles Christi). Cette image prestigieuse a cours de son vivant et après son prétendu martyre au service du combat contre la dépravation hérétique. Cependant dans les contrées occitanophones et dans la péninsule Ibérique sa réputation devient aussi celle d’un brigand d’un barbare d’un intrus étranger cupide et sans scrupules. Les actes du colloque tenu à Poitiers en 2018 reviennent sur sa vie et sur son lignage afin de comprendre l’homme dans toutes ses contradictions : le croisé incorruptible en Terre sainte mutilant toute une garnison en Languedoc le vainqueur du roi d’Aragon soumettant toutes ses conquêtes au roi de France le spoliateur des seigneurs légitimes du Midi protégeant les veuves et le clergé local le membre d’un puissant lignage franco-normand dont son héritage se perpétue dans toute l’Europe. Simon est à la fois le produit de son temps et l’agent de son devenir un conquérant et un perdant. Caractère sombre et puissant il semble être à l’image de son emblème héraldique: un lion à la queue fourchée.
Identité, filiation et parenté dans les romans du Graal en prose
Le cycle Lancelot-Graal et le Perlesvaus écrits dans la première moitié du XIIIe siècle sont construits autour d’un temps horizontal organisé autour de la figure du roi Arthur ce qui rend toute idée de succession problématique. Mais dans le même temps la société a subi de profonds bouleversements : qu’il s’agisse de l’institution du mariage des règles de transmission de l’héritage ou encore de l’ancrage du lignage dans des lieux géographiques très précis les relations entre les individus se sont lentement modifiées. Les auteurs doivent donc faire coexister des éléments disparates voire même contradictoires. La généalogie entre dans le roman arthurien par le biais du cycle de la Vulgate et ce temps vertical influe sur le roman les relations de parenté devenant ainsi déterminantes dans la construction narrative des personnages.
Solitudes et solidarités en ville. Montpellier, mi XIIIe-fin XVe siècles
La solitude en milieu urbain est un champ de recherche contemporain porté en particulier par la sociologie. Les sociétés urbaines médiévales comptaient aussi leur lot de solitaires : enfants orphelins et abandonnés immigrants à la recherche d’une vie meilleure veufs et veuves personnes âgées isolées. Le contexte de la deuxième moitié du XIV e siècle avec ses épidémies de peste récurrentes et les ravages causés par la guerre de Cent Ans aggrave le phénomène. Étudiée dans le cadre de la ville de Montpellier des années 1250 à la fin du XV e siècle à partir d’archives consulaires fiscales et testamentaires la solitude se révèle comme un phénomène fréquent : nombreuses sont les personnes seules dans l’espace urbain. La solitude apparaît sous de multiples formes et se manifeste tout au long du cours de la vie des individus entrecoupant les cycles de développement familiaux. Or entre la vie en solitaire et l’isolement social existe toute une palette de situations personnelles dont on ne peut saisir la complexité que par l’étude des solidarités recherchées par les personnes seules ou spontanément offertes par des parents des amis qui viennent pallier la solitude.
Le Legs des pères et le lait des mères
ou comment se raconte le genre dans la parenté du Moyen Âge au XXIe siècle
Être homme et être femme constituent deux manières d’être au monde deux statuts complexes et distincts dans le cadre des activités sociales et des représentations collectives; et si celles-ci sont prises dans les cadres de la normalisation de genre elles n’en demeurent pas moins réelles et structurantes quelles que soient les variations historiques et culturelles dont les chroniques les romans les films les bandes dessinées nous apportent le témoignage. Même si l’habitude et l’éducation semblent reconduire l’évidence des places de chaque sexe dans son groupe social et dans une conception binaire associée à l’ordre du monde une telle vision de la dualité est une création culturelle transmise reproduite et nuancée au fil des générations : étudier les fausses évidences dévoiler les singularités oubliées défricher les formes artistiques les plus récentes tels sont les objectifs que ce sont fixés les participants au colloque nîmois en prenant comme supports de réflexion des récits allant du Moyen Âge au XXIe siècle. Ils interrogent les modalités de transmission des codes de représentation au sein de la parenté quand elle se développe dans des formes narratives où la réalité se conjugue à la fiction à des fins d’exemplarité.
La parenté hagiographique (XIIIe-XVe siècle)
D'après Jacques de Voragine et les manuscrits enluminés de la 'Légende dorée' (c.1260-1490)
L'ouvrage de Chloé Maillet nous plonge au cœur d'une parenté bien extraordinaire : des femmes se travestissent des hommes sont enceints des moines maternent des pères allaitent leur enfant des époux pratiquent la chasteté conjugale des jeunes filles vierges sont barbues des fils égorgent leurs parents des mères font des avances à leur fils tuent leur propres enfants ou les mangent etc. Cette parenté troublée déviante inversée ou fantasmée est celle des saints et des saintes de l'Occident médiéval que l'auteure nomme la "parenté hagiographique" qui vient s'ajouter et se combiner à la parenté charnelle à la parenté baptismale à la parenté spirituelle et à la parenté divine. En s'appuyant pour l'essentiel sur la confrontation entre le texte de La Légende Dorée de Jacques de Voragine et les images de trente-sept manuscrits enluminés produits entre la seconde moitié du XIIIe siècle et la fin du XVe siècle de ce remarquable légendier qui connaît une immense diffusion dans toute l'Europe Chloé Maillet nous livre une stimulante réflexion sur les fondements de la parenté médiévale et sur l'ensemble des liens sociaux qui la composent car les qualités des saints et des saintes révèlent et construisent l'idéal de la société qui a produit ces modèles.
Didier Lett
Marqueurs d’identité dans la littérature médiévale : mettre en signe l’individu et la famille (XIIe-XVe siècles)
Actes du colloque tenu à Poitiers les 17 et 18 novembre 2011
Le XIIe siècle marque une fracture épistémologique dont les symptômes les plus visibles sont l’apparition des questionnements identitaires qu’il s’agisse d’une meilleure définition de l’individu des familles ou des groupes. Ils se laissent entrevoir avec une force sans précédent sur le fond d’une double mutation sociale et culturelle. L’éclosion de la littérature vernaculaire l’effondrement progressif durant tout le XIIe siècle de la suprématie du latin écrit provoque un bouleversement épistémique. Les marqueurs de l’identité comme les signes héraldiques commencent à préoccuper l’homme médiéval. Les contributions de ce volume se proposent de suivre le développement et la rationalisation de ces marqueurs qui définissent les rapports entre les individus et leurs groupes jusqu’à la fin du Moyen Âge. Cette enquête est menée à travers la fiction vernaculaire le lieu par excellence où les problématiques identitaires trouvent une voie d’expression à la fois transparente et complexe.
The Daughters of Henry II and Eleanor of Aquitaine
The three daughters of Henry II and Eleanor of Aquitaine all undertook exogamous marriages which cemented dynastic alliances and furthered the political and diplomatic ambitions of their parents and their spouses. It might be expected that the choices made by Matilda Leonor and Joanna with regard to religious patronage and dynastic commemoration would follow the customs and patterns of their marital families yet in many cases these choices appear to have been strongly influenced by ties to their natal family. Their involvement in the burgeoning cult of Thomas Becket their patronage of Fontevrault Abbey the names they gave to their children and the ways in which they were buried suggests that all three women were able to varying degrees to transplant Angevin family customs to their marital lands.
By examining the childhoods marriages and programmes of patronage and commemoration of Matilda Leonor and Joanna this monograph compares and contrasts the experiences of three high-profile twelfth-century royal women and advances the hypothesis that there may have been stronger emotional ties within the Angevin dynasty than has previously been allowed for.
Les Stratégies matrimoniales (IXe-XIIIe siècle)
Depuis une soixantaine d’années le structuralisme a mis l’alliance au cœur de l’étude de la parenté. S’inspirant de l’anthropologie les historiens tentent ainsi de dégager les règles qui président à l’échange de femmes entre les familles médiévales. Ils sont cependant conscients de la spécificité du Moyen Âge où le mariage est fortement influencé par le christianisme par le droit romain et plus généralement par des normes écrites et abstraites dépassant le pragmatisme quotidien des chefs lignagers. Il est vrai qu’au sein de l’aristocratie les pratiques matrimoniales ont longtemps obéi à des logiques patrimoniales. Le douaire apporté par le mari ou la dot cédée par les parents de la mariée « font » traditionnellement le mariage. Du reste l’alliance est trop souvent conclue pour entériner une trêve entre deux troupes ennemies pour faciliter l’ascension d’un guerrier fidèle que son seigneur récompense par la main de sa fille ou pour obtenir un parti prestigieux. Elle participe donc de l’effort d’une parentèle pour prendre et pour conserver le pouvoir. Elle réduit la future épouse et peut-être aussi son jeune fiancé au rôle de l’actrice passive des décisions prises par les aînés de la maison. Aussi solide et enraciné qu’il puisse paraître ce modèle cède du moins en partie aux valeurs évangéliques véhiculées par le clergé savant : unicité indissolubilité consensualisme exogamie extrême… Une telle acculturation (ou plutôt « inculturation » adaptation du christianisme à une société donnée) ne se fait pas sans heurts. Il en va de même avec le remplacement des coutumes germaniques par le droit romain renaissant qui impose la dot au détriment du douaire. Ces mutations n’interviennent pas seulement dans les pratiques des nobles mais aussi dans leur imaginaire et dans leurs mentalités. Elles sont particulièrement à l’œuvre entre les IX e et XIII e siècles où l’alliance prend à jamais un nouveau visage.
Les lignages nobiliaires dans la Morée latine (XIIIe-XVe siècle)
Permanences et mutations
La noblesse de la principauté de Morée est l’objet de cette étude qui au-delà de l’approche historique et des liens biologiques essaie d’envisager la représentation sociale de ce milieu. Le domaine concerné par l’anthropologie historique n’est donc pas déterminé il s’agit de mettre une distance entre le groupe étudié et l’observation de l’historien afin d’envisager les répercussions sociales engendrées. L’histoire de la parenté permet d’analyser les comportements biologiques les formations sociales et les représentations mentales du groupe nobiliaire.
Dans quelle mesure les lignages latins reflètent-ils un mode de fonctionnement venu d’Occident et comment celui-ci évolue-t-il en étant influencé par les conditions politiques et culturelles du lieu dans lequel ils s’implantent ?
Les principes importés qui concernent la filiation les stratégies matrimoniales ou encore les biens patrimoniaux peuvent servir de fil directeur tout en tenant compte des nuances chronologiques et géographiques au sein de la principauté. À travers ces groupes sociaux et familiaux nobles qui se reconnaissent un ancêtre commun l'ouvrage s'attache à étudier les origines et les modalités de renouvellement des lignages latins passant d’une prédominance franque à des influences angevines et ibériques leur solidarité croissante et leur volonté de conservation du patrimoine. L'auteur évalue également les relations qu’entretiennent ces lignages avec le pouvoir princier et quelles peuvent être les conséquences des changements de domination sur les lignages nobiliaires. Le tout s’organise autour de quatre parties rendant compte de la fierté des origines de la volonté de perpétuer le lignage de maintenir son prestige ou encore de transmettre la patrimoine.
La Parenté déchirée: les luttes intrafamiliales au Moyen Âge
Nous médiévistes insistons trop souvent peut-être sur la cohésion du groupe familial. Nous le percevons ainsi dans la force de sa solidarité dans la rigidité de ses structures d’encadrement et dans la rigueur de l’obéissance à l’aîné. Son harmonie sortirait même renforcée de sa lutte contre des parentèles rivales. Une telle vision ne manque assurément pas de fondements. Pourtant les sources révèlent aussi les conflits internes à une famille qui interviennent en premier lieu dans l’axe de la filiation. Les tensions entre d’une part le père ou l’oncle paternel et d’autre part ses fils ou neveux sont souvent mentionnées par les sources. Elles répondent au conflit intergénérationnel exacerbé dans l’aristocratie guerrière par l’adoption des valeurs du jeune (juvenis). À classe d’âge égale les luttes entre frères ou entre cousins reproduisent souvent le même schéma juvénile car elles opposent les cadets à l’aîné pour la conquête du pouvoir et du patrimoine. En second lieu l’axe de l’alliance reproduit autant d’affrontements entre «belles-familles». Paradoxalement l’élément religieux peut introduire le germe de la discorde. En prônant la conversion au détriment d’anciennes pratiques la vocation religieuse ou le libre choix du conjoint le christianisme est parfois à l’origine de tensions à l’intérieur de la famille. La charité qu’il préconise est supérieure au lien du sang. Elle valorise l’individu au détriment de structures d’encadrement parmi lesquelles le cousinage et le lignage sont les premières touchées. Elle bouleverse enfin les pratiques de la parenté l’exercice de la violence et leurs représentations littéraires ou iconographiques.
L’imaginaire de la parenté dans les romans arthuriens (XIIe-XIVe siècles)
Colloque international, Centre d'Études Supérieures de Civilisation Médiévale de l'Université de Poitiers (12 et 13 juin 2009)
Quoique éclipsée par la figure proéminente d’un héros la parenté est au cœur de la matière de Bretagne. Or nous n’insistons peut-être pas assez sur son rôle primordial aussi bien pour l’économie narrative que pour une meilleure compréhension par le biais de l’imaginaire d’aspects essentiels de la société médiévale. Les romans arthuriens mettent en scène toutes sortes de familles touffues comme celle de Lancelot ou bien restreintes comme celles des vavasseurs ou petits nobles qui font des apparitions fulgurantes. Il y a aussi des lignées sanctifiées comme celle des gardiens du Graal ou damnées comme la descendance de Modred. C’est pourquoi les structures de parenté forment un cadre privilégié pour la prédestination et l’évolution des personnages. Parfois elles fonctionnent selon de pratiques réelles. Dans certains cas elles les influencent ou bien elles s’en écartent entièrement.
Les alliances matrimoniales souvent problématiques des romans arthuriens leurs généalogies complexes leurs conflits et loyautés d’ordre familial parviennent-ils à nous renseigner mieux sur la société médiévale la légitimité la violence la vie privée la femme? Ont-ils juste une valeur littéraire? Et quelle est la place du mythe païen ou de la pratique chrétienne dans le fonctionnement de la parenté? Enfin l’héraldique occupe une place centrale dans l’imaginaire arthurien. Les armoiries généralement signes d’appartenance à une parentèle acquièrent des significations multiples et subissent des distorsions. Elles ont une valeur symbolique marquant des étapes dans le devenir d’un personnage. Leur rôle politique de propagande n’est pas non plus négligeable. L’héraldique sert à la fois de marqueur d’identité ou de masque: elle rattache l’individu à son lignage ou souligne au contraire sa spécificité. Les textes leur contexte ou l’iconographie pris séparément ou mis en vis-à-vis peuvent répondre à toutes ces questions voire en susciter d’autres.
Les tombeaux des familles royales de la péninsule ibérique au Moyen Age
Contrairement à ce que l'on pourrait attendre il n'est dans cet ouvrage pas tant question des morts que des vivants des survivants. Le rôle particulier joué par le souverain dans les institutions médiévales fait que sa mort échappe à la dimension intime familial pour devenir publique. Dès 1063 elle devient avec Ferdinand Ier de León l'objet d'une véritable mise en scène sur plusieurs jours caractère qu'elle ne perd plus dès lors du moins dans les textes que ce soit pour glorifier le défunt (ainsi de Jacques Ier d'Aragon ou surtout de la mort chevaleresque entre toutes de son père Pierre II à la bataille de Muret) ou au contraire pour le décrier (ce que font les textes castillans évoquant la fuite éperdue de l'aragonais Alphonse le Batailleur). Pour les souverains la mort est aussi une transformation du statut un passage vers un autre état celui à la fois de modèle pour ses successeurs et de fondement de la légitimité du royaume. L'élection de sépulture voit ainsi s'affronter deux logiques celle commune à l'ensemble de la noblesse des XIe XIIe et XIIIe siècles de la famille et de la piété personnelle d'une part et celle de la légitimité dynastique et de l'affirmation territoriale de l'autre. Les royaumes de la péninsule ibérique aux frontières perpétuellement mobiles entre le règne de Sanche le Grand et ceux de Ferdinand III en Castille et León et de Jacques Ier en Aragon le reflètent pleinement succession de fondation de lieux de sépultures royales et de transfert de celles-ci où la présence du corps d'un souverain en un royaume est source de légitimité pour les souverains mais aussi de préséance pour un souverain sur son voisin et où au contraire un souverain ayant failli aux yeux de sa noblesse ou de son successeur peut comme Sanche VII de Navarre se voir exclu de la nécropole royale. La péninsule est aux XIe et XIIe siècles un lieu d'expérimentation tant pour l'organisation des sépultures qui là encore voit s'affronter logique familiale et logique politique que pour leur forme renforcée par la réticence quasi généralisée des souverains (à l'exception de Ferdinand II et d'Alphonse IX de León) à la forme du gisant. Dans l'un et l'autre domaine ces recherches hispaniques furent source d'inspiration au XIIIe siècle pour les dynasties capétienne et plantagenêt et pour la noblesse qui les entourait notamment par le biais des mariages entre les grandes familles de l'un et de l'autre côté des Pyrénées occasion tout particulièrement à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle d'un resserrement des liens entre les dynasties de l'Europe occidentale. En cela les monuments funéraires des rois de la péninsule ibérique qu'étudie cet ouvrage sont non seulement des oeuvres d'art d'une qualité parfois exceptionnelle mais aussi des témoins privilégiés à la fois de la nature de la royauté dans la péninsule ibérique et de liens tissés entre ici-bas et au-delà bien plus complexe que ne le laissent apparaître les seuls textes théologiques.
Frères et soeurs : les liens adelphiques dans l’Occident antique et médiéval
Actes du colloque de Limoges, 21 et 22 septembre 2006
Comment définir les liens adelphiques? À quelles réalités biologiques sociales politiques renvoient-ils dans l’Occident antique et médiéval?
Les textes rassemblés dans ce volume tentent d’éclairer les liens entre frères et soeurs en se fondant sur des approches linguistiques historiques juridiques et littéraires.
Ils abordent des aspects aussi divers et complexes que le rôle du frère aîné le choix du nom le lignage les pratiques successorales les liens du sang la défense de l’honneur familial et la solidarité les affinités mais aussi les antagonismes le fratricide et la vengeance.
L’exploration de cette problématique est inévitablement pluridisciplinaire car toute réflexion sur les liens adelphiques doit interroger aussi bien l’histoire le droit que les textes littéraires.
Making and breaking the rules: succession in medieval Europe, c. 1000-c.1600. Établir et abolir les normes: la succession dans l’Europe médiévale, vers 1000-vers 1600
Proceedings of the colloquium held on 6-7-8 April 2006. Actes de la conférence tenue les 6, 7 et 8 avril 2006, Institute of Historical Research (University of London)
Les stratégies familiales au Moyen Âge recourent à un vaste éventail de dispositifs destinés à assurer la survie de la famille et du pouvoir qu’elle gère parfois. Mariages alliances processus d’adoption même permettent de conserver et d’étendre l’identité familiale que ce soit sous la forme de la lignée ou de la parenté large; mais ce sont sans doute les stratégies adoptées au moment des successions qui sont les plus cruciales pour la perpétuation des familles. Les études réunies ici tentent de confronter et de comparer les systèmes de succession en vigueur dans les différentes régions d’Occident de la Russie à l’Irlande de la Scandinavie à la péninsule Ibérique. Dans le cas des successions princières elles démontrent que l’étude du principe électoral permet de mieux comprendre a contrario ce qui fait la force du sentiment dynastique jamais absent. Et la comparaison avec d’autres domaines où jouent les processus de succession qu’il s’agisse de l’Église ou de l’office vient alimenter des interrogations nouvelles sur les formes du désir de pérennité.
La fleur de France
Les seigneurs d’Île-de-France au XIIe siècle
Au XIIe siècle l’Île-de-France n’existe pas. Les habitants des pays autour de Paris se nomment les Français et leur terre la France. Cet espace régional qui prend le nom d’Île-de-France au XIVe siècle est le produit d’une construction politique. Les souverains se fixent progressivement dans la vallée de la Seine à proximité du grand sanctuaire de Saint-Denis et simultanément entreprennent le « rassemblement capétien » qui dilate la terre des Français de l’île de la Cité à l’Île-de-France. La région France est un espace prospère contrôlé par les représentants de la puissance publique qui assurent le maintien de l’ordre seigneurial. Ces seigneurs d’Île-de-France sont la fleur de France des chansons de geste combattants admirables et défenseurs glorieux de la Terre sainte. Dans les sources ecclésiastiques l’image de ce groupe régional - nous dirions national - est nettement moins flatteuse. Il rassemblerait les pires représentants d’une société seigneuriale violente et subversive ennemie acharnée du grand progrès de l’Etat et du bien commun défendu par l’Eglise. Pourtant même s’ils encombrent les actes royaux et les cartulaires ecclésiastiques les maîtres de la Francia restent mal connus. Ce thème de recherche pose le problème de la construction de l’Etat. Dans le pays autour de Paris noyau du « système français » le Capétien est présent physiquement. La lecture des rapports roi et seigneurs s’intègre dans une lecture globale de l’évolution politique du royaume de France.
Cette étude de synthèse veut être une contribution à l’histoire des familles seigneuriales d’Île-de-France au XIIe siècle. L’utilisation croisée des sources diplomatiques iconographiques et littéraires permet d’observer les grandes lignes de la géographie politique des pays autour de Paris et les contours du groupe aristocratique attaché à cette terre. Quels sont les liens de fidélité qui unissent le roi l’Eglise et les seigneurs ? Quels sont les rapports entre la construction de l’identité seigneuriale et l’exercice de l’autorité publique ? Enfin les transformations de la spiritualité aristocratique sont-elles encouragées par l’Eglise ?
Plantagenêts et Capétiens: confrontations et héritages
Au printemps 1204 Aliénor d’Aquitaine s’éteint tandis que les armées de Philippe Auguste conquièrent l’Anjou et la Normandie. La disparition de la reine coïncide avec l’effondrement de l’Empire Plantagenêt tout comme une cinquantaine d’années auparavant son remariage avec Henri II avait présidé à la naissance de ce conglomérat disparate de territoires de l’Ouest de la France et des îles britanniques. Épouse mère ou veuve Aliénor est le personnage clef de cette construction géopolitique qui est avant tout une histoire de famille. Il en va de même dans le combat acharné qui oppose les Plantagenêts sa nouvelle dynastie d’adoption aux Capétiens de Louis VII dont elle fut jadis la femme et de Philippe Auguste son beau-fils. Le conflit entre les deux maisons touche directement des principautés territoriales du continent. Les lignages aristocratiques de Normandie Bretagne Anjou Poitou et Gascogne participent ainsi à ces luttes qu’attisent parfois les fils d’Henri II ou le neveu de Jean Sans Terre en révolte contre leur père ou oncle. Enfin pour mieux gouverner et pour donner de l’éclat à leur cour les Plantagenêts s’entourent d’intellectuels promouvant une culture originale. Parenté guerre et savoir aux XIIe et XIIIe siècles sont au cœur de cet ouvrage.
"Tu Felix Austria, nube"
La dynastie de Habsbourg et sa politique matrimoniale à la fin du Moyen Age (XIIIe-XVIe siècles)
Sa politique matrimoniale a permis à la dynastie de Habsbourg d'agrandir son patrimoine et d'accéder à l'Empire. Les motivations (territoriales financières militaires diplomatiques) et les circonstances (soutiens ou oppositions) permettent de faire la part du hasard et du choix politique. Tout en évitant et l'extinction biologique et la parcellisation domaniale les chefs de famille devaient jouer sur l'" échiquier matrimonial " en fonction de la démographie (nombre d'enfants sexe) des règles ecclésiastiques et nobiliaires du rapport des forces territoriaux. Sur huit générations entre Rodolphe I et Maximilien I (1273 - 1519) tous les projets matrimoniaux sont étudiés aboutis (58 mariages) ou non (110 projets) ainsi que les étapes de l'engagement matrimonial (enquêtes promesses de mariage fiançailles procurations) et leurs implications financières (dots contre-dots Morgengabe douaires). L'ouvrage a été récompensé par l’Académie Française avec la médaille d’argent 2006 du Prix François Millepierres (Histoire et Sociologie).