Publications de la Société Internationale de Recherches Interdisciplinaires sur la Renaissance
Filter :
Publication Date
Language
La beauté de l’homme
Esthétique et métaphysique, de l’Antiquité à l’âge humaniste et classique
Contrairement à la grandeur ou la dignité la question de la beauté de l’homme n’a guère retenu l’attention des commentateurs. Trop souvent réduite à la seule beauté corporelle elle est jugée secondaire relevant de l’histoire sociale des apparences ou de l’esthétique. À l’inverse le propos de cet ouvrage est de montrer que la beauté joue un rôle essentiel dans la dignification de l’homme en s’appuyant sur les deux grandes traditions qui ont modelé l’idéal de perfection humaine jusqu’à l’âge classique : d’une part le culte antique de la beauté revivifié au Moyen Âge par la « Renaissance du xiie siècle » et magnifié à l’âge humaniste avec le développement des arts plastiques ; d’autre part la tradition chrétienne dans laquelle l’homme créé à l’image et selon la ressemblance de Dieu (Gn 1 26) porte en lui une étincelle de la divine Beauté.
Ainsi entend-on réfléchir moins à la beauté elle-même qu’au sens de la beauté par un dialogue entre théologie philosophie littérature et théorie de l’art. Se révèle alors toute la complexité de la question marquée par une tension constante entre recherche de l’idéal et paradoxes beauté plastique et beauté vivante beauté corporelle et beauté spirituelle kalokagathie et théorie silénique de l’opposition entre extérieur et intérieur beauté visuelle et beauté musicale beauté de l’homme et beauté de Dieu.
Le Silence à la Renaissance
Le doigt sur la bouche Harpocrate l’enfant-dieu égyptien ordonne aux hommes de la Renaissance de se taire. On parle donc beaucoup de silence à l’aube de la modernité. Car la rhétorique des humanistes et ses jeux donne des arguments au scepticisme et la cohérence du monde en est ébranlée. Pantagruel convoque le muet Nazdecabre contre « les amphibologies équivocques et obscuritéz des mots » et Cordelia et Hamlet se taisent pour toujours pour dire l’amour et la mort. Dans ce monde où la Réforme a désacralisé les cloîtres le silence se réfugie dans le mystère des temples antiques qui renaissent pour sauver le sacré des souillures des guerres de religion. Mais le silence est ambivalent comme le langage qu’il tente de combattre et peut signifier aussi bien lâcheté surdité ou censure que vérité indicible. Alors c’est dans la poésie muette de la peinture que l’on peut encore en savourer le mystère.
Certitude et incertitude à la Renaissance
La Renaissance est marquée par un grand mouvement de rationalisation du savoir. La science sert de référence à l'art qui par sa mathématisation tente de s'approcher le plus possible de la certitude absolue dont elle fournit le modèle. Les sciences intermédiaires disciplines d'application de la mathématique telles que la mécanique l'optique l'abaque se développent permettant de nombrer le réel parallèlement aux instruments de précision qui accroissent l'efficacité de la technique. D'autres disciplines telles que le droit ou l'histoire cherchent de même à élaborer les principes et la méthode de leur certitude propre. Il est toutefois des domaines tels que la foi ou l'acte moral où la certitude ne s'étalonne pas sur la vérité de la science mais trouve en son coeur l'incertitude fondatrice de l'expérience humaine. En tentant dans la recherche du bien et du mal du beau et du laid de conjurer la relativité et la précarité de la vie l'intelligence humaine ne saurait fait l'économie du doute qui la distingue de la machine et fonde sa grandeur. C'est à cette tension jamais résolue mise en évidence par l'humanisme de la Renaissance que cet ensemble de contributions se propose de réfléchir.
Le Plaisir au temps de la Renaissance
Le Plaisir est-il le Bien ? La Renaissance reprend à son compte cette question débattue depuis le Philèbe et le livre X de l’ Éthique à Nicomaque. Au XVe siècle Lorenzo Valla dans son dialogue Sur le Plaisir (1430) tranche dans le sens d’une identification entre le plaisir et le Bien. Il est suivi un siècle plus tard par Érasme qui n’hésite pas dans l’Épicurien (1533) à assimiler le Christ à Épicure. Et Montaigne dans sa critique du stoïcisme stigmatise le danger des vertus immodérées qui excluent le plaisir. Le problème que posait Platon de la possibilité d’un faux plaisir à nouveau les esprits. Et si le plaisir pensé imaginé rêvé pouvait réveiller les sens toucher le corps ? Et si les barrières s’effaçaient entre le corps et l’âme ? Réhabiliter le plaisir c’est pouvoir assumer sa part d’ombre le déplaisir refuser l’abstraction de leur dissociation. Accepter le plaisir c’est accepter la mort. C’est l’une des leçons paradoxales de Peines d’amour Perdues de Shakespeare que la pensée baroque ne cessera d’illustrer. La Renaissance reste vigilante comme l’avaient été les périodes précédentes car il est un plaisir auquel il ne convient pas de laisser libre cours : le bon plaisir du absolutiste.