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Molloy, Malone meurt et L'innommable, les trois grands « romans » de Samuel Beckett parus en français entre 1951 et 1953, sont d'abord des récits du doute lancinant, où le monde semble se dérober sous nos pieds tandis que la fonction abstraite du langage s'affole. Mais la sensibilité qui nous relie aux êtres et aux choses est-elle tout à fait endormie ? Cela n'est pas sûr. Notre souhait est de montrer que de brèves apparitions végétales, un mélèze que Molloy parvient à nommer ou « les faibles feux du genêt » dans la nuit qui tombe sur Malone meurt, sont les signes d'un amour clandestin du monde, des êtres et des choses qui le peuplent. Ainsi, du négatif où la parole trempe émergent parfois, comme des lueurs, des noms qui renouent avec une forme de « langage adamique » au sens de Walter Benjamin : non pas une exaltation lyrique, dont Samuel Beckett est bien loin, mais l'éveil d'un sentiment secret de solidarité avec le monde.
AbstractMolloy, Malone Dies and The Unnamable, Samuel Beckett's three most important "novels" published in French between 1951 and 1953, are tales of haunting doubt, where the world seems to evade as language's abstract function bristles. But is the sensibility connecting us to beings and things totally dormant? That is not so sure. Our wish is to show that brief vegetal apparitions, such as a larch Molloy manages to name or "les faibles feux du genêt" at dusk as Malone dies, are signs of a clandestine love of the world, of the beings and things which inhabit it. Thus, from the negative in which speech lies sometimes emerge, as wavering lights, nouns reconnecting with a form of "Adamic language", in Walter's Benjamin's terms: rather than a lyrical exaltation, from which Samuel Beckett is very far, is awoken a secret feeling of solidarity with the world.