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Le décor des lectionnaires produits au cours de la « renaissance syriaque » (xie-xiiie s.) témoigne d’un dialogue artistique fécond, alliant la fidélité aux modèles paléochrétiens et byzantins, et l’influence de l’univers visuel islamique, dans lequel évoluaient les communautés chrétiennes de Mésopotamie. L’ancrage des miniaturistes syriaques dans la tradition byzantine, sans se restreindre à un simple phénomène de copie provinciale, pourrait refléter la volonté des commanditaires syroorthodoxes de s’inscrire dans la continuité de l’Église indivise. Ce phénomène trouve un parallèle dans l’appropriation de l’héritage littéraire patristique, dont les miniatures auraient constitué le pendant iconographique. Les représentations d’architecture, de la faune et de la flore attestent en outre des contacts étroits entre les ateliers syriaques et islamiques, ainsi que des influences croisées dont les modalités exactes nous échappent encore largement, mais qui n’en illustrent pas moins l’étonnante rencontre entre deux univers religieux et artistiques, souvent perçus à tort au prisme de la rivalité. Par-delà ces parentés iconographiques et stylistiques, l’originalité de la miniature syriaque se laisse enfin entrevoir à travers de subtiles références à la tradition liturgique, parmi lesquelles les hymnes, le décor des églises et les gestes sacerdotaux semblent avoir profondément marqué les artistes.
AbstractThe illuminated Gospel lectionaries produced during the so-called « Syriac Renaissance » (11th-13th century) give evidence of a dynamic artistic dialogue. The painter’s fidelity towards Early Christian and Byzantine iconography reveals the donors’ self-understanding as members of the One Church, as well as the appropriation of a shared late-antique patristic heritage. Various stylistic influences, such as the depictions of architecture, human beings or wildlife, reflect the Islamic visual environment of the Syriac communities and attest close contacts between Syriac and Islamic workshops. The decoration of the manuscripts then invites us to reconsider the relationship between two religious and artistic cultures, too often-and wrongly-considered in terms of confrontation and rivalry. Beyond these iconographic and stylistic considerations, it seems that the Syriac liturgical tradition itself had a certain impact on painters: subtle references to church architecture, chant and gestures unveil the specificity of Syriac book illumination.