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À diverses reprises, pendant les derniers siècles de l’Antiquité, les empires perse, ḥimyarite et romain furent victimes de raids dévastateurs, lancés par les Arabes de la steppe et du désert. Pour contrer cette menace, ils conclurent des traités avec certains princes arabes auxquels ils conférèrent d’importantes responsabilités militaires et fiscales. Les plus importants de ces princes, qui auraient eu le titre de « roi », venaient des tribus de Lakhm, de Kinda et de Ghassān, selon la Tradition arabo-islamique. Leur principale responsabilité était de recruter des cavaliers servant d’auxiliaires dans les troupes impériales et veillant à la sécurité des frontières.
La littérature spécialisée accorde une grande attention aux principautés arabes sous tutelle perse et romaine, appelées traditionnellement « royaume lakhmide » et « royaume ghassānide »; leur histoire est écrite en combinant les traditions arabes, foisonnantes et souvent contradictoires, avec les sources grecques et syriaques qui fixent la chronologie. La principauté arabe sous tutelle ḥimyarite de l’Arabie centrale (le soi-disant « royaume de Kinda ») est moins bien connue, mais les inscriptions qui sont régulièrement découvertes en Arabie commencent à en préciser la chronologie et l’histoire.
La première partie présente la somme des connaissances actuelles sur ces principautés. La seconde s’emploie à préciser la nature exacte du pouvoir exercé par ces princes arabes, qui ne règnent pas sur Lakhm, Ghassān et Kinda, comme on le croit trop souvent, mais sont originaires de ces tribus.
Seule la principauté d’al-Ḥīra, sous tutelle perse, présente certains des caractères d’un véritable État, avec une capitale et une armée. Les « Arabes de Ḥimyar » et ceux « des Romains » ne jouissent d’aucune structure stable et ne sont pas même placés sous l’autorité d’un seul prince. C’est donc à tort que l’on établit trop souvent un parallèle entre la principauté arabe sous tutelle perse (qui dure plus de trois siècles) et celle sous tutelle romaine (dont l’existence est inférieure à un siècle).
Il faut souligner enfin que l’appellation traditionnelle des principautés étudiées (« royaume lakhmide », « royaume ghassānide » et « royaume de Kinda ») est trompeuse parce qu’elle confond la dynastie avec la tribu d’origine de celle-ci. Il vaut mieux se référer au nom réel de la dynastie (et parler de principautés naṣride, jafnide et ḥujride) ou, à défaut, utiliser un terme géographique, comme « principauté d’al-Ḥīra ».
AbstractOn various occasions during the last few centuries of Antiquity, the Persian, Ḥimyarite, and Roman Empires were victims of devastating raids launched by the Arabs of the steppe and desert. To counter this threat, treaties were negotiated with certain Arab princes upon whom significant military and financial responsibilities were subsequently conferred. The most important of these princes, who would have carried the title “king”, came from the Lakhm, Kinda and Ghassān tribes according to Arab-Islamic tradition. Their principle responsibility was recruiting horsemen for service as auxiliaries to imperial troops, and as guardians of frontier security.
Modern studies by specialists often accord a great deal of attention to the Arab principalities under Persian or Roman rule, traditionally called the “Lakhmid kingdom” and the “Ghassānid kingdom,” whose histories are generally written by combining the rich and often contradictory Arab traditions, with Greek and Syriac sources establishing the chronology. The Arab principality under Ḥimyarite rule in central Arabia (the so-called “Kinda kingdom”), on the other hand, is much less well-known. Nevertheless, new inscriptions are regularly discovered, allowing certain preliminary chronological and historical precisions.
The first part of this presentation presents a summary of current knowledge of these principalities. The second part aims at defining the exact nature of the political power wielded by these Arab princes, who do not reign over Lakhm, Ghassān and Kinda, as is too often believed, but instead come from these tribes.
Only the principality of al-Ḥīra, under Persian rule, presents some of the characteristics of a genuine “State”, with a capital and an army. The Arabs “of Ḥimyar” and those “of the Romans” have no stable political structure and are not even placed under the authority of a single prince. It is thus erroneous to draw parallels between the Arab principality under Persian rule (which lasted more than three centuries) and that under Roman rule (which lasted less than a century).
Finally, it must be stressed that the traditional appellations of the principalities under consideration here (the “Lakhmid kingdom”, the “Ghassānid kingdom”, and the “Kinda kingdom”) are deceptive and unhelpful, since they confuse dynasty with tribal origin. It is much more valid to use the actual names of the dynasties (thus, the “Naṣrid”, “Jafnid”, and “Ḥujrid” principalities), or otherwise a geographical label, such as “the principality of al-Ḥīra”.