Témoins de Notre Histoire
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Arnaud de Villeneuve: Lettre sur l’imposture de la magie nigromantique - Epistola de reprobacione nigromantice ficcionis
Magie et rationalité chez un penseur du xiii e siècle
Vers 1280 Arnaud de Villeneuve publie une courte démonstration à la fois philosophique théologique et médicale de l’illusion de ces lettrés musulmans juifs et chrétiens qui prétendaient pouvoir selon les instructions de manuels de magie alors en vogue commander aux démons pour obtenir d’eux la réalisation des vœux les plus divers - ce que l’on appelait la nigromancie. Cette édition bilingue est la première en français d’un document représentatif aussi bien du rationalisme aristotélicien que de la médecine galénique qui accompagnèrent le développement de l’enseignement scolastique. Olivier Rimbault commente Arnaud de Villeneuve en historien en philosophe et en anthropologue. Il montre en effet ce que la rationalité des Modernes doit à cette longue période paradoxale et méconnue qu’est le Moyen Âge et de cette synthèse tire des parallèles avec la nôtre mettant en évidence l’irrationnel à l’œuvre dans nos propres croyances les plus « scientifiques » et réhabilitant en conclusion une forme de « magie philosophique » qui pourrait répondre aux défis du XXIe siècle.
Adélard de Bath
Un passeur culturel dans la Méditerranée des croisades
Né dans le dernier quart du XIe siècle Adélard de Bath est de ces lettrés anglais formés aux arts libéraux en France. Dans ses premiers textes de philosophie naturelle et de cosmologie il remet en cause le legs de ses maîtres puis décide de poursuivre sa formation en Italie du Sud. Grâce aux réseaux des rois normands d’Angleterre il part soudainement pour la Syrie peu après la première croisade et s’initie plusieurs années sur place à la langue arabe. À son retour il traduit des sources venues du monde musulman d’une grande complexité à la fois en astronomie et en mathématique il en domine les enjeux scientifiques et va jusqu’à se passionner pour l’astrologie et la magie. Il devient ainsi l’un des initiateurs du grand mouvement de traduction des textes scientifiques depuis l’arabe vers le latin se faisant le défenseur d’une méthode de critique comparée entre univers culturels tandis que d’autres choisissent l’affrontement armé.
Le siècle des saints
Le vii e siècle dans les récits hagiographiques
Les Vies de saints représentent la principale source d’informations sur la vie religieuse sociale et politiques du royaume mérovingien à son apogée sous les règnes de Clotaire II (613-629) de Dagobert Ier (629-639) puis de ses fils. Elles viennent ainsi compléter les informations fournies par la principale chronique de cette période dite « de Frédégaire ». Ce recueil rassemble des traductions inédites de Vies particulièrement représentatives. Elles montrent des évêques dans leurs activités administratives et politiques au sein de vieilles cités de fondation romaine (Didier de Vienne et Arnoul de Metz) comme dans les missions de conversion dans les marges du royaume (Amand dans la vallée de l’Escaut Omer le long du littoral flamand) et au-delà jusqu’en Frise (Vulfran) et dans la lointaine Angleterre qui maintenait toutefois des liens étroits avec le continent ce qui justifie la présence de la Vie de saint Wilfrid d’York dans ce recueil. Le monde monastique est représenté par des fondateurs d’abbayes qui acquirent dès le VIIe siècle un rôle religieux social et politique considérable : à Laon (Salaberge) Nivelles (Gertrude) Sithiu aujourd’hui Saint-Omer (Bertin) Jumièges puis Noirmoutier (Philibert) et Chelles où se retira la reine Bathilde au début des années 660. Enfin le célèbre récit de la vision du moine Baronte est un témoignage original de la spiritualité monastique du temps.
Pierre Abélard, L’Hymnaire du Paraclet
Les œuvres en vers les plus célèbres d’Abélard sont ces poèmes d’amour composés pour Héloïse au temps qu’il la séduisait ; mais ils sont perdus et c’est en vain qu’on les cherche. La célébrité de ces textes inconnus a laissé dans l’ombre d’autres poèmes qui eux sont bien parvenus jusqu’à nous. Eux aussi ont été composés pour Héloïse d’une certaine manière ; eux aussi sont d’une certaine manière des produits de l’amour et même des poèmes d’amour. Il s’agit des hymnes que dans les années 1130 Abélard composa pour le monastère dont Héloïse était la supérieure le Paraclet. Leur série presque complète constitue au fil de l’année liturgique un itinéraire spirituel et intellectuel d’une cohérence inégalée. Ces hymnes ne sont pas seulement des témoins d’une tentative quasiment inouïe dans l’histoire du christianisme de réformer la totalité de la liturgie : ils sont aussi la pensée d’un théologien exceptionnel coulée dans les vers d’un poète génial. L’Hymnaire du Paraclet mérite bien ainsi à de multiples titres d'être appelé un monument de la culture occidentale. Ce volume offre à la fois le texte latin original entièrement établi et contrôlé sur les manuscrits et en regard l'une des premières traductions complètes de l'Hymnaire et la première en français.
Gautier de Châtillon. Alexandréide
Gautier de Châtillon (ca. 1135-1200) passe en général pour le meilleur poète latin du moyen âge. À côté d'une œuvre lyrique riche et variée (Hymnes religieuses chansons d'amour pièces satiriques) il a composé vers 1180 à la demande de l'archevêque de Reims Guillaume aux Blanches Mains une épopée de style virgilen qui retrace la carrière fulgurante d'Alexandre le Grand un héros très populaire au xii e siècle. Ce poème en 10 livres de près de 5500 vers l'Alexandréide a connu en son temps un succès formidable (plus de 200 manuscrits). On entreprend de traduire pour la première fois en français moderne ce monument de la culture médiévale et d'en évaluer dans une introduction détaillée les enjeux historiques littéraires et moraux.
Arnoul de Lisieux (1105/1109-1184)
Lettres d'un évêque de cour dans l'embarras
Si la cour d’Henri II d’Angleterre (1154-1189) a connu des évêques partisans du roi ou comme le montre le cas de Thomas Becket des adversaires farouches Arnoul de Lisieux a été un homme de compromis convaincu de la nécessaire collaboration du regnum et du sacerdotium. Voué aux gémonies par le parti de Becket Arnoul n’a pas su gagner pour autant la sympathie indéfectible d’Henri II. Sa carrière d’évêque de cour fut pour lui jusqu’à la fin une source d’inquiétude et d’insatisfaction comme le montrent ses lettres. Harmonieux au début du règne les rapports avec le roi se sont rapidement refroidis et si Arnoul comptait entre 1164 et 1172 parmi les curiales influents à la suite de la révolte des princes royaux (1173-1175) contre leur père il a perdu la confiance du monarque. Sachant que le roi ne pardonnerait pas s’il avait conçu de la haine pour quelqu’un l’évêque dut assister impuissant et endetté à la perte de ses revenus. Poussé vers la sortie par Henri II il se retira en 1181 à Saint-Victor où il mourut (1184). Sous Henri II vouloir être à la fois l’ami du pape et celui du roi fut une erreur lourde de conséquences pour qui avait des ambitions politiques.
Jacques de Vitry (1175/1180-1240)
Entre l'Orient et l'Occident : l'évêque aux trois visages
Jacques de Vitry né dans le troisième quart du XII e siècle et mort à Rome en 1240 est issu de la génération qui au tournant du siècle fut acteur et témoin des transformations intervenues en Occident chrétien et dans l'Église en particulier.
Homme de savoir et d'action Jacques nous a laissé dans des écrits variés et nombreux le témoignage de ses expériences : l'étudiant parisien le chanoine régulier du prieuré d'Oignies le prédicateur de la croisade contre les Albigeois et les Sarrasins l'évêque d'Acre acteur de la cinquième croisade le cardinal de l'Église romaine.
On découvre ainsi une personnalité complexe et attachante chez laquelle trois traits de caractère ne cessent de se répondre : la passion de l'étude associée à l'acuité du regard ; l'ambition de servir ; la recherche d'une voie spirituelle patiemment explorée au fil de l'expérience et de l'âge.
Manuale scholarium
Texte et traduction
Le texte présenté ici date de la fin du XV e siècle. Le Manuale Scolarium a été écrit par un auteur inconnu sous forme de dialogues. Depuis l’Antiquité bien des discussions et des conversations ont été écrites. Ce genre littéraire est particulièrement utilisé pour les traités pédagogiques : dialogues entre un père et son fils un maître et son élève un roi et son héritier etc.
Mais les dialogues entre deux jeunes gens moines ou étudiants sont bien plus rares. On connaît pour le IX e siècle celui qu’a écrit Alcuin qui présente deux jeunes disciples un franc et un saxon qui conversent à propos de la grammaire. Au XI e siècle le “Colloque” d’Aelfric Bata écrit un dialogue entre quelques jeunes moines anglo-saxons. Pour le siècle suivant nous n’avons pas de dialogue entre jeunes gens avant ce Manuale Scolarium.
Ce texte est un témoignage vivant de la vie des étudiants à l'université d'Heidelberg et offre un regard sur les relations des étudiants entre eux et sur leur appréciation de la vie universitaire.
Le gracial d’Adgar. Miracles de la vierge
Dulce chose est de Deu cunter
Le Gracial d'Adgar est la première oeuvre représentative du genre des miracles de Notre-Dame en français. Écrite en anglo-normand vers 1165 elle témoigne de l'influence de l'Angleterre dans le développement du culte marial et l'éclosion de la littérature française. Ce genre littéraire connaîtra un succès considérable dans toute l'Europe.
Il s'agit de montrer que si Adgar condamne la littérature profane pour ses mensonges et son immoralité il sait tout de même en retirer une leçon de «sagesse et de courtoisie». Son oeuvre s'adresse à un public «frivole» mais exigeant. Il faut que cette littérature pieuse puisse rivaliser par son agrément avec la littérature courtoise de son temps et dépasser les Vies de saints par son homogénéité et sa variété.Le texte latin est traduit en français moderne afin que le lecteur puisse constater les enjeux d'une impossible fidélité. Quelques miracles d'Adgar sont enfin comparés à ceux de ses confrères romans notamment le plus brillant d'entre eux Gautier de Coinci.
Hugues Falcand. Le livre du royaume de Sicile
Intrigues et complots à la cour normande de Palerme (1154-1170)
Si l’on ne sait toujours pas qui se cache sous le pseudonyme de l’auteur du Livre du royaume de Sicile son texte nous trace un tableau saisissant des soubresauts qu’a connus le royaume après la mort de Roger II (1154).
La personnalité éminente du premier roi de Sicile disparue on voit les forces centrifuges affronter les forces centripètes dans une lutte acharnée entre rébellions complots assassinats et répression. Représentées d’abord par l’aristocratie des différentes provinces les forces centrifuges subissent finalement un cuisant échec dans leur combat contre Guillaume Ier (1154-1166) ce qui consolide le pouvoir central et permet au roi d’exclure de la gestion des affaires les membres de la noblesse.
Par des décisions malhabiles la régente Marguerite de Navarre ranime cependant l’opposition et les rancœurs des grands écartés par le roi défunt et se tourne alors vers les Transalpins Français ou Normands membres de sa famille. C’est l’expulsion systématique de ces étrangers au moyen d’intrigues de complots et de révoltes que l’auteur souvent témoin oculaire nous fait vivre dans la deuxième partie de son ouvrage avec la victoire finale des forces centripètes : le règne de Guillaume II (1166-1189) pourra se dérouler sous le signe de la stabilité politique dans un royaume dirigé à partir de Palerme par un cercle étroit de natifs du royaume fidèles au monarque. Quinze années de troubles politiques ont favorisé l’émergence d’une prise de conscience identitaire susceptible de transformer les régions hétéroclites de l’Italie du sud conquises ou héritées par Roger II en un tout au destin commun.
Bernard le Clunisien
Une vision du monde vers 1144
La tendance dominante du christianisme durant des siècles n'a pas été l'affirmation d'une puissance travaillant à la transformation du monde et de l'histoire mais plutôt la disposition à s'en écarter et à prendre ses distances selon la doctrine du "mépris du monde" (contemptus mundi). C'était en tout cas l'orientation de la pensée monastique qui a traversé tout le Moyen Âge.
Vers la fin de la première moitié du XIIe siècle un moine bénédictin de Cluny que l'on a appelé Bernard de Morlaix ou de Morlas ou Bernard le Clunisien et qui résidait au prieuré Saint-Denis de Nogent-le-Rotrou a écrit lui aussi un De contemptu mundi. Cet immense poème en vers métriques est malgré son titre beaucoup plus que l'expression habituelle du thème monastique de la vanité du monde. Il contient une représentation lumineuse du Ciel Jérusalem céleste Cité resplendissante où Dieu est tout en tous et une vision des enfers où les références à Virgile semblent annoncer la grande épopée dramatique et mystique de la Divine Comédie de Dante ; et c'est aussi une longue complainte et une impitoyable satire contre les désordres et les injustices de l'époque satire n'épargnant ni les prêtres ni les évêques ni le pouvoir de Rome.
Rois, reines et évêques. L'Allemagne aux Xe et XIe siècles
Recueil de textes traduits
L’Allemagne médiévale reste peu connue de nos jours. Pourtant c’est une grande période de l’histoire germanique marquée par la naissance de l’Empire les particularités de l’Eglise impériale la place des principautés au sein du royaume… La période ottonienne et salienne en particulier (Xe-XIe siècles) est un âge d’or pour le pouvoir des souverains et des évêques.
Le présent recueil propose d’introduire le lecteur dans la compréhension de cette époque en lui permettant de lire en traduction française (généralement pour la première fois) les Gestes des Saxons de Widukind de Corvey (livres 2 et 3) la plus ancienne vie de la reine Mathilde la Chronique de Thietmar de Mersebourg (livres 3 et 4) la vie d’Henri II par Adalbold d’Utrecht la vie de Conrad II par Wipo les Gestes des évêques d’Eichstätt et une sélection de chartes germaniques de cette période.
Pierre de Blois
Ambitions et remords sous les Plantegenêts
L'essor des villes au XIIe siècle s'accompagne de l'apparition d'un nouveau groupe social les intellectuels. Ces magistri qui écrivent enseignent et se déplacent à travers l'Europe naissante commencent de peupler à partir du règne d'Henri II Plantagenêt les cours des puissants à la recherche d'un personnel qualifié pour structurer une administration en gestation ce qui offre aux ambitieux l'occasion de faire carrière même s'ils sont d'origine modeste.
Pierre de Blois issu de la petite noblesse bretonne appartient à ce groupe émergeant. Maître ès arts et poète célèbre il se laisse emporter par la perspective d'un rôle de premier plan et se retrouve d'abord à la cour royale de Palerme précepteur du jeune Guillaume II et garde des sceaux. Revenu en France après l'échec politique de l'équipe qu'il avait suivie en Sicile il est appelé par Henri II en Angleterre. Cependant au sortir d'une grave maladie rongé de remords il quitte ses fonctions auprès du roi pour offrir ses services aux deux successeurs de Thomas Becket à Cantorbéry.
Véritable cas d'espèce Pierre de Blois n'a pas voulu profiter des avantages que lui réservait sa position privilégiée pour rejoindre le cercle dirigeant de son temps. Pris dans un conflit devenu pour lui presqu'existentiel au fil des ans il condamne finalement au nom de sa déontologie son ambition de vouloir jouer un rôle prééminent: diacre il ne doit pas s'engager dans les affaires du monde. La peur des compromis voire des compromissions l'a donc fait renoncer au but ultime de nombreux magistri l'épiscopat et à l'exercice d'un pouvoir spirituel et temporel. S'il s'est contenté du rang d'archidiacre il ne s'est pas lassé d'encourager les décideurs de l'époque à résoudre son propre problème: accorder action publique et préceptes chrétiens.
Vincent de Beauvais et le Grand Miroir du monde
Le Grand Miroir du monde Speculum maius est la «Grande Encyclopedie» du Moyen Age. Ce livre présente les étapes de son élaboration comme outil du studium par Frère Vincent de Beauvais lecteur dominicain au service de son Ordre et par ailleurs familier du roi Louis IX. Il caractérise la documentation mise en œuvre et son évolution. Conçu d'abord en deux parties clans un esprit proche de la pensée victorine ( vers 1244) l'ouvrage fut ensuite remis en avancées de la nouvelle science tributaire d'Aristote et d'al-Farabi (vers 1260). L'influence naturaliste d'Albert le Grand faisant suite á celle exégétique de Hugues de Saint-Cher le Speculum maius devient ainsi une œuvre en trois parties Speculum naturale consacre á l'histoire naturelle selon l'ordre des six jours de la création; Speculum doctrinale inachevé exposant toutes les branches du savoir (trivium propédeutique sciences pratiques sciences mécaniques sciences théoriques); Speculum historiale deroulant les facta et gesta de l'humanité (histoire proprement dite histoire littéraire et hagiographie) jusqu'au Jugement dernier selon la vision augustinienne de l'histoire.
Des documents traduits dont !'important prologue Libellus apologeticus illustrent la méthode de composition et le contenu de l'œuvre la mettent en relation avec d'autres ecrits paralleles du XIIIe siècle et témoignent de son succès au cours des siécles.
Guillaume de Saint-Thierry, premier auteur mystique des anciens Pays-Bas
La mystique occidentale naît dans l'infirmerie de l'abbaye de Clairvaux. Guillaume de Saint-Thierry et Bernard de Clairvaux y échangent leurs vues pour la première fois dans l'église occidentale sur le lien d'amour unissant le Créateur et sa créature. Cette intelligence inspirée de la langue et des images du Cantique des cantiques continuera à nourrir leurs écrits et aura une influence majeure sur d'autres grands auteurs mystiques tels que Ruusbroec Hadewijch ou Jean de la Croix.
Paul Verdeyen analyse finement la pensée et la vie de Guillaume de Saint-Thierry: son combat contre Abélard et la scolastique ses commentaires sur le Cantique des cantiques son choix radical comme moine bénédictin en faveur du sévère ordre de Cîteaux sa critique de l'affaiblissement de la vie religieuse dans les couvents et abbayes ...
Ce livre est très clair et il est surtout original. Pour la première fois cet auteur mystique oublié et pourtant si important a été remis à l'honneur. De nombreux extraits de son oeuvre traduits en français rendent désormais sa pensée accessible à tous.
Paul Verdeyen est professeur émérite de l'université d'Anvers. Il a réalisé l'édition critique de la version latine du Mirouer des simples âmes de la mystique Marguerite Porete et a consacré plusieurs ouvrages à l'histoire de la spiritualité au moyen âge.
Isidore de Séville. Genèse et originalité de la culture hispanique au temps des Wisigoths
Entre les invasions germaniques du Ve siècle et arabes du VIIIe la péninsule ibérique a su créer au VIIe siècle une brillante civilisation "hispano-wisigothique". Celle-ci s'est exprimée dans une littérature et un art singuliers encore antiques et déjà médiévaux adaptés aux besoins d'une société hispanique nouvelle. Le représentant le plus éminent de cette culture est Isidore archevêque de Séville (560 ?-636) dont le rayonnement s'est prolongé sur tout l'Occident du haut Moyen Age.
Le présent livre trace d'abord les coordonnées d'espace et de temps des civilisations de l'Espagne méridionale (la "Bétique" des Romains) des origines au VIe siècle. Puis il reconstitue la biographie d'Isidore -qui n'a guère de sources directes-. Il dégage ensuite l'originalité de ses différentes oeuvres regroupées par thèmes. Il analyse enfin les catégories et les valeurs d'une pensée plus cohérente et plus personnelle qu'on ne l'avait trop longtemps cru. On trouvera ici la synthèse d'un demi-siècle de recherches dans le premier ouvrage d'ensemble en langue française sur Isidore de Séville et son temps.
Digénis Akritas, le héros des frontières
Une épopée byzantine
Héros des confins Digenis Akritas le Métis des frontières l'invincible héros à la force surhumaine a durablement fait rêver les Byzantins et continue jusqu'à nos jours à émouvoir dans la mémoire des Grecs le sens de leur identité. Sa légende imprégnée de souvenirs historiques du Xe siècle environ émerge sous forme littéraire au tournant des XIe et XIIe siècle à peu près comme celle de Roland. Ballades et chansons populaires textes savants tissent autour de son souvenir un ensemble d'épisodes où chaque époque a mis un peu de son idéal et de ses nostalgies. Entre l'épopée et le roman entre l'énergie un peu leste de certains épisodes et la courtoisie dont certains rédacteurs ont voulu l'embellir le gardien des frontières aux limites orientales du monde chrétien est doté d'une biographie où domine surtout son amour romanesque pour son épouse qu'il enlève à ses parents puis défend contre tous ravisseurs dans la solitude où il a choisi de vivre avec elle. Invaincu de main d'homme il meurt de maladie en la tenant dans ses bras dans son palais des bords de l'Euphrate fleuve sorti du Paradis. La présente traduction la première en français permet de comparer aux épopées occidentales contemporaines la plus célèbre des oeuvres littéraires byzantines de comprendre à quelles sources et modèles les rédacteurs ont eu recours et de percevoir les élans et les contradictions d'une société byzantine éprise d'ordre et de décorum lorsqu'elle dressait face aux lions brigands et dragons de ses hantises la figure solitaire de l'Akrite le héros qui se battait tout seul.
L'Église et les femmes dans l'Occident chrétien des origines à la fin du Moyen Age
« Vous êtes tous fils de Dieu par la foi au Christ Jésus (...). Il n'ya ni homme ni femme » proclame le Nouveau Testament par la bouche de Saint Paul ( lettre aux Galates 3 26-28 ). L'Église chrétienne a donc supprimé une fois pour toutes la discrimination enter les sexes et la subordination de l'un à l'autre? C'est au nom de cette épître que dans les années 150 ap. J.-C. des femmes se faisaient ordonner évêques. Mais hélas! Le fondateur de leur secte Motan et ses séides avaient été proclamés hérétiques. Les quinze siècles qui vont de la naissance du christianisme à la fin du Moyen Âge montrent en effet que les choses ne sont pas si simples. Jésus lui-même qui s'entourait volontiers de femmes n'avait-il pas été accusé de leur accorder une confiance suspecte.
On le sait mieux aujourd'hui aucune des sociétés qui avavaient peuplé l' Europe n'a été matriarciale. Il allait de soi que la femme était inférieure à l'homme et devait lui être soumise. La nature et la coutume sociale le voulaient. Dieu aussi. À cause d'Ève expliquait l'Écriture l'homme avait à la fois perdu l'immortalité et le Paradis: la pénitence la soumission de ses descendantes devaient être à la mesure de la faute accablante. L'Institution ecclésiastique masculine siècle après siècle le rapellait. Restait pourtant l'Espérance vertu théologale. Contrairement à une légende opiniâtre l'Église n'a jamais douté que les femmes eussent une âme et la possibilité de se sauver même dans le mariage. La proportion des saintes est très faible par rapport à celle des saints mais la sainteté n'est pas réservée aux hommes.
L'Église étant à la source de l'élaboration idéologique des sociétés occidentales les textes retenus pour jalonner cette longue histoire ont presque tous été écrits par des clecs et par des hommes car les femmes écrivent très peu. Ils ont été choisis pour rendre compte le plus fidèlement possible du poids du discriminant sexuel dans ces systèmes de représentations.
Salimbene de Adam, un chroniqueur franciscain
À la fin des années 1280 Salimbene de Adam enfant de Parme et franciscain de la province de Bologne compose une Chronique dernière et seule conservée de ses oeuvres. Le projet plutôt banal est métamorphosé par la volonté de transmettre toute l'expérience d'une vie. L'auditoire restreint qui contient en germe une faible diffusion autorise une liberté de ton et une pratique débridée des digressions qui font de l'oeuvre un prodigieux réservoir de choses vues. Prédicateur Salimbene a le sens du récit et du détail croqué sur le vif. Jadis marqué par le joachimisme il traque les signes consigne et commente les prophéties. Ce qu'il a vu d'espoirs et de déchirements dans l'ordre franciscain où il a vécu un demi-siècle de drames et d'ambitions dans la vie communale dont il connait les ressorts et les protagonistes de dévotions et de curiosités dans les villes et les campagnes qu'il a parcourues il veut le transmettre. Hommes et miracles sanctuaires et prêches chants et bons mots joutes oratoires et travaux publics guerres et éclipses sont évoquées avec l'art du conteur et la science du clerc nourri de grammaire et d'Écriture: histoires vraies histoires vues histoires édifiantes insérées au fil des années et le plus souvent dans la trame de démonstrations savantes donnent ainsi naissance à une oeuvre foisonnante et inclassable qui tient du recueil d'autorités et du répertoire d'histoires exemplaires du martyrologe et du traité théologico-moral de la chronique urbaine et du recueil de mirabilia. Salimbene arrive à s'y perdre et les seuls fils que l'on suive de bout en bout sont l'apologie de l'ordre franciscain et les préceptes éthiques. Sa mauvaise foi éclate quand il veut noircir les adversaires et concurrents de l'Ordre ses préjugés aristocratiques affleurent partout. Sententieux dans ses portraits et partial dans ses préférences toujours curieux et passionné il livre sans détour mais non sans apprêt un témoignage profondément humain.
Contes pour les gens de cour
Que peut faire un clerc de l'administration royale à la fin du XIIe siècle s'il est doté d'un humour féroce d'une langue agile d'une culture vaste et éclectique d'un goût irrépressible pour les bonnes histoires colorées et corsées face à la montée en force des nouvelles modes littéraires de la littérature en français et des romans courtois? Il prend une plume et rédige de "bonnes histoires pour les gens de cour" pour montrer qu'on peut s'amuser en latin de façon moins ridicule à ses yeux que ceux qui pâlissent d'amour aux pieds des dames. Gautier Map clerc anglais richement prébendé grand conteur et amuseur des milieux de la cour de Henri II Plantagenêt est à la fois attiré et agacé par les thèmes fantastiques merveilleux et amoureux qui font les délices de la cour anglaise lorsque la reine Aliénor y séjourne. Il veut faire encore mieux: plus varié plus subtil plus savant plus drôle et moins naïf. S'il méprise l'amour courtois ce n'est pas par pudibonderie; s'il écrit dans la langue savante de son temps ce n'est pas par timidité. Son oeuvre que par nonchalance sans doute il garda dans ses papiers personnels est fantaisiste insolente ironique; c'est pour les ethnologues un réservoir de renseignements sur des coutumes et des traditions que personne avant lui n'avait notées pour les historiens de la littérature un témoignage d'une époque où rien n'était encore joué entre la langue vulgaire et le latin (qui pouvaient encore se donner la réplique) pour tous un moment privilégié de l'émergence dans la littérature européenne d'un art du récit qui aboutit de temps en temps dans ce recueil jamais ennuyeux ni banal à d'éblouissantes réussites.