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Traditionnellement, l’histoire de la lecture considère que s’opère, à la fin du Moyen Âge, l’évolution unidirectionnelle d’une lecture à voix haute vers une lecture silencieuse, d’une lecture collective et sociale vers une lecture individuelle. Cette perspective se base sur l’idée implicite qu’un développement de la lecture silencieuse entraîne nécessairement une régression des pratiques de lecture orale collective. Selon nous, cette conceptualisation dichotomique a longtemps imposé une interprétation restrictive des témoignages textuels en incitant les chercheurs à sous-estimer la place de la lecture publique.
Nous reconsidérons d’abord la validité de la distinction « oral/silencieux », jugée jusqu’à présent utile pour différencier les modes de lecture à la fin du Moyen Âge. En effet, ce critère en cacherait un autre, avec lequel il ne se superpose pas toujours : la lecture pour soi, par rapport à la lecture partagée. Nous mettons ensuite en lumière quelques scènes de lecture rapportées dans la littérature des XIV e et XV e siècles. Celles-ci tendent à montrer que la lecture partagée de littérature écrite représentait non pas la survie de pratiques primitives, mais une composante essentielle de la réception des textes de la fin du Moyen Âge.
AbstractThis article will reassess the alleged unilateral evolution from oral reading to silent reading at the end of the Middle Ages. This perspective – reading went from being voiced to being silent, from being collective and social to becoming an individual appropriation of the text – is based on a strange but rarely reappraised presupposition : orality would have disappeared under the pressure of the written word. I suggest that this conceptualization has imposed for a long time a restrictive interpretation of the textual data, encouraging scholars to underestimate the nature and role of late medieval public reading.
My study will begin by re-evaluating the validity of the distinction « oral/silent » as a criterion to differentiate the modalities of late medieval reading. This criterion might disguise another distinction that doesn’t necessarily overlay it : reading to oneself, compared with reading to an audience. I will further recall some literary testimonies of reading in the fourteenth and fifteenth centuries in order to show that public reading was more than a mere survival of primitive practices : rather, these practices seem essential to the reception of late medieval texts.