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La littérature en moyen français est dominée par l’imaginaire juridique. La présence de ce thème dans les Ballades de Charles d’Orléans reflète-t-elle seulement la mode contemporaine ? Les images de la loi donnent au recueil un cadre, de la Retenue à la Departie d’Amour. En transformant la traditionnelle loyauté courtoise en législation amoureuse, le poète met en valeur la communication particulière avec sa dame. L’amour à distance doit se dire à travers des écritures qui sont autant d’actes, engageant les deux amants à respecter le désir comme une loi. Les Ballades sont également un univers peuplé de juristes. Le sujet lyrique, comme les allégories avec lesquelles il dialogue, est juge, procureur, avocat. Mais si les lieux qui ouvrent le recueil sont des espaces de législation, ils deviennent, lorsque le poète s’égare, des tribunaux où les procédures judiciaires n’aboutissent jamais. La loi est aussi spectacle : légaliser le désir, c’est le publier devant des tiers, figures du lecteur. La fiction juridique transforme enfin le dialogue avec d’autres poètes en un jeu dont le duc est à la fois juge et partie.
AbstractLegal fictions prevailed in Middle French Literature. How and why did the Ballades by Charles of Orleans follow this cultural fashion ? Legal metaphors frame his lyric collection from Retenue to Departie d’Amour. The poet however changes the tradition of loyalty in courtly love into a legislation. By doing so, he throws light on the specific communication with his lady: love in exile and prison implies paradoxically acts, especially official documents. The two lovers, committing themselves to each other, are bound to respect their desire as a law. The Ballades’ imaginative world often embodies the lyrical I and the allegories as lawyers, judges or attorneys. The fictional staging evolves, from places where legal actions take place, to courts of justice, where trials and inner debates never end. Law is spectacle. Painting desires as laws means to publish them before readers. Legal fictions transform the dialogues with other poets into role-plays, games where the prince can be both judge and jury.