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Le nombre même des proverbes disséminés dans Mélusine ou la Noble Histoire de Lusignan de Jean d’Arras justifie que l’on s’interroge sur leur fonction au sein du récit. Le présent article vise à montrer comment le statut d’autorité, traditionnellement attribué au proverbe, peut être remis en question par le biais de conditions d’énonciation spécifiques. Les proverbes sont tour à tour placés dans la bouche de personnages connotés positivement, d’opposants aux Lusignan ou encore pris en charge par le narrateur lui-même : on oscille entre le respect du proverbe et son détournement à des fins ludiques. L’aspect le plus intéressant réside toutefois dans une fonction qui n’a guère retenu l’attention de la critique : le narrateur fait volontiers du proverbe un énoncé à valeur proleptique, de sorte qu’il permet au lecteur d’anticiper le dénouement des événements. Jean d’Arras a exploré les virtualités littéraires du proverbe avec la curiosité de l’écrivain ; il a adopté face au discours sapientiel la même attitude réflexive que face aux croyances légendaires et a ouvert ainsi la voie aux expériences plus radicales de certains auteurs du XVe siècle finissant.
AbstractThe sheer amount of proverbs dispersed in Mélusine ou la Noble Histoire de Lusignan by Jean d’Arras calls for a closer inspection of their function in the text. This article aims to demonstrate how the authoritative status usually attributed to proverbs is questioned by specific enunciative means. Indeed, proverbs are in turn attributed to positively connoted characters, to opponents of the Lusignan family or voiced by the narrator himself: the text is often using the proverb in a conventional way, but also subverting the sapiential discourse to playful ends. However, the most interesting function of sapiential speech in Jean d’Arras’ novel has not yet been analyzed: the narrator often uses proverbs as prolepsis, thus enabling the reader to anticipate the outcome of the events narrated. Jean d’Arras explored the literary functions of the proverb with the intellectual curiosity of a true writer; he adopted the same reflexive attitude towards proverbs as towards belief in legends and thereby paved the way for the more radical literary experiments conducted by certain authors of the late 15th century.